Nouveau modèle de développement

Concurrence et transparence des prix, mythe ou réalité ?

Loi sur la liberté des prix et de la concurrence, loi sur le conseil de la concurrence, loi sur la protection du consommateur…le cadre juridique de la concurrence au maroc est globalement solide pour la préservation du marché et des intérêts du consommateur. encore faut-il l’appliquer et mettre en oeuvre ces lois de manière adéquate. eclairage…Le Maroc qui a adopté une loi de concurrence globalement conforme aux pratiques internationales est appelé à donner un effet juridique à la disposition légale et à développer le cadre institutionnel approprié à son application ». En gros c’est ce qui ressort d’un diagnostic général élaboré par l’OCDE sur la politique du Maroc en matière de concurrence. En effet, la Constitution de 2011 protège à la fois le droit d’accès à des marchés concurrentiels (articles 35 et 36) et le rôle du Conseil de la concurrence en tant qu’institution indépendante (article 166) tandis que l’obligation pour les entreprises publiques et les opérateurs des marchés réglementés d’agir dans un esprit propice à la concurrence est consacrée par plusieurs lois. D’après Ouadi Madih, président de l’Association du Protection du consommateur UNICONSO, « un environnement concurrentiel contribue à stimuler l’esprit d’entreprise et la productivité, à élargir l’offre pour les consommateurs, à faire baisser les prix et à améliorer la qualité des biens et services ». Pour le consommateur l’intérêt est donc clair : plus de concurrence cela signifie « plus de choix, et la possibilité d’opter pour le rapport qualité-prix qui lui convient le mieux ».LOI DE LA CONCURRENCE, MESURES PHARESSelon l’avocat, Abbes Sekkat du cabinet Sekkat&Sekkat, la loi sur la liberté des prix et de la concurrence prône, entre autres, l’interdiction des prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation. «Le prix abusivement bas, n’est pas défini dans le texte et donc il faut que le conseil de la concurrence ou encore la jurisprudence résolvent ce problème. Mais une chose est sûre, pratiquer un tel prix porte atteinte au concurrent et finit par l’anéantir et le consommateur s’il en bénéficie au début, finit à son tour par subir les conséquences et payer plus cher après la disparition du concurrent de la course », analyse Sekkat. Une autre mesure phare de cette loi, interdire les ententes et les abus de position dominante. «Les ententes ne tendent pas vers une baisse des prix, mais plutôt à une augmentation. Le consommateur est ainsi impacté négativement », ajoute Sekkat. Autre pratiques prohibées : « Ventes subordonnées, l’exigence d’une quantité minimale lors d’un achat, l’imposition du caractère minimal du prix de revente, le stockage clandestin comme c’est le cas récemment avec les gels désinfectants et les masques de protection », renchérit notre avocat. En parallèle, le Maroc dispose d’une loi sur la protection du consommateur censée préserver ses droits et le protéger contre toute pratique illégale. «Dans la régulation économique, deux outils sont primordiales : la loi de la concurrence et celle de la protection du consommateur. En l’absence de l’un de ces outils tant au niveau réglementaire qu’au niveau de la mise en exécution sur le terrain, on ne peut pas avoir une libre concurrence sur un marché sain », détaille Madih. Sekkat complète : «Aujourd’hui, la loi sur la concurrence ne concerne que les opérateurs économiques et non pas les consommateurs. Elle englobe des règles qui vont régir le marché pour s’assurer que la concurrence est saine et donc cela a un effet positif sur le consommateur. La loi pour la protection du consommateur, elle, concerne plutôt des pratiques où le consommateur est partie prenante avec la possibilité d’ester en justice le fraudeur». Les deux lois sont en effet, complémentaires.RESPECT DU JEU DE LA CONCURRENCERéactivé en décembre 2018 après la nomination de ses membres, le Conseil de la concurrence est aujourd’hui une institution constitutionnelle chargée d’assurer l’équité et la transparence dans les relations économiques. En 2014 une loi modifiant les prérogatives de ce conseil a été votée. Ses pouvoirs sont largement renforcés. Il est compétent ainsi pour se prononcer sur les pratiques anticoncurrentielles de certaines entreprises. Formellement interdites par la loi, ces pratiques ont généralement pour objet d’anéantir les concurrents et contrôler les prix par la suite. Cela a des conséquences néfastes sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Mais est ce que le résultat escompté est visible sur le terrain actuellement ? «Le conseil de la concurrence produit un travail certes et émet des avis sur de nombreux sujets, mais jusque là, nous ne sommes pas encore passés au grand saut », regrette Ouadi Madih. Et de renchérir «Au-delà des avis, il faudrait que le secteur luimême sente qu’il y a un respect de ce jeu de la concurrence. L’autre bras du droit économique concernant la protection du consommateur n’a pas encore pu décoller malheureusement ». Toujours selon Madih, «on note de réelles lacunes sur le volet affichage des prix ou encore information du consommateur, équilibre des contrats…donc entre la loi et la pratique sur le terrain, le gouffre est profond ». Un autre hic, l’absence du conseil de la consommation. Prévu dans le cadre du dernier article de la loi 31-08, il tarde encore à voir le jour. Résultat : « le consommateur est toujours vulnérable et ne se sent pas protégé », tonne le président d’Uniconso.CONSEIL DE LA CONCURRENCE, L’AFFAIRE DES HYDROCARBURES Devenu une « instance de bonne gouvernance et de régulation » consacrée par la Constitution de 2011 (Article 166), le Conseil de la concurrence a d’abord connu une longue période de somnolence avant d’être réactivé, le 17 novembre 2018, avec la nomination du nouveau président Driss Guerraoui. A cette occasion, les consignes ont été clairs : le conseil va « accomplir pleinement ses missions en toute indépendance et neutralité, et de contribuer au raffermissement de la bonne gouvernance économique et au renforcement de la compétitivité de l’économie nationale et de sa capacité à créer de la valeur et des emplois » (Extrait du communiqué du Cabinet Royal, 17 novembre 2018). La tâche n’a pas été facile. Preuve en est, l’affaire relative au marché des hydrocarbures. Alors que le Conseil de la concurrence s’apprêtait à infliger une amende record aux acteurs du secteur pour non-respect des règles concurrentielles, un communiqué du cabinet royal est tombé annonçant la nomination d’une “commission ad hoc chargée de mener les investigations nécessaires à la clarification de la situation”. Un acte qui fait suite à une remise en cause du processus de décision du président du Conseil, Driss Guerraoui, par d’autres membres du même Conseil. Ces derniers évoquent une communication dommageable à l’examen de l’affaire et à la crédibilité du Conseil, un passage forcé au vote avant que le débat ne soit clos, une interprétation tronquée et violation de l’article 39 de la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence, une non satisfaction des requêtes des membres en vue d’un examen équilibré des arguments avancés par les sociétés. Les membres accusent même le président d’agir sur instructions ou selon un agenda personnel. Les investigations de la commission désignée par le Roi sont toujours en cours.

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