Les géants du ballon rond mettent le foot européen en crise

Douze clubs veulent lancer une "Super League" européenne. Peu importe l'issue de la fronde, les implications du projet bouleverseront le monde du ballon rond.

La fronde a donc bien eu lieu. Alors que la réforme de la Champions League se dessinait de plus en plus, douze des plus grands clubs de football du continent ont dit stop. Menés par des géants comme le Real Madrid, le FC Barcelone, Liverpool et Manchester United, les frondeurs ont annoncé leur intention de lancer leur propre championnat continental à 20, sous le nom de « Super League ».

L’agenda n’est pas encore avancé, mais le message envoyé fait mal à l’UEFA. Analyse d’un mouvement qui changera quoi qu’il arrive l’image du football européen.

Pourquoi un tel projet?

Depuis des années, les grands d’Europe ne se cachent plus pour faire part de leur souhait de renouveau pour la Champions League. Ils veulent plus de spectacle. Dans les faits, ils veulent surtout trouver un moyen de gagner plus via une compétition, avec plus de matches et si possible un bon paquet de belles affiches (donc entre grands).

Les exemples parfaits se nomment NFL et NBA. Leur modèle, porté avant tout sur la rentabilité, a visiblement servi de base pour le travail. Bien que les ligues américaines aient choisi ce système, il représente un non-sens absolu pour Stefan Kesenne, professeur émérite de la KULeuven et spécialiste de l’économie du football: « Il y aurait une différence intenable entre un marché des joueurs ouvert et un marché des compétitions fermé. Le club de Bruges serait en concurrence avec les clubs de Super League pour attirer des joueurs, mais ne pourrait pas bénéficier des revenus issus de la compétition qui glane le plus d’argent », explique le spécialiste. Une incohérence rendue possible aux États-Unis via une exception légale, mais qui pourrait être un sérieux argument contre la Super League européenne.

 

Quel est l’impact financier?

Il est donc question d’argent et surtout de droits télévisés. En dépouillant la Champions League de ses têtes d’affiche, la Super League risque bien d’emporter avec elle des contrats de droits télévisés se chiffrant en milliards. Les championnats nationaux devraient en revanche survivre à l’opération européenne. Les clubs n’auraient d’ailleurs aucun intérêt à voir les droits issus de leurs compétitions nationales diminuer, surtout en Premier League.

Le signal est d’ailleurs clair: la Super League aura lieu en semaine pour ne pas affecter les championnats nationaux. En Premier League, les géants ne seraient toutefois pas contre une réforme diminuant le nombre d’équipes dans le championnat, afin de soulager un peu le calendrier.

Financièrement le projet est visiblement alléchant. La banque JP Morgan a confirmé qu’elle serait prête à avancer les six milliards d’euros nécessaires pour amorcer la compétition. Un mauvais pari, estime Stefan Kesenne: « Des études montrent que les ligues fermées ont un impact négatif sur la compétition, mais aussi sur l’aspect financier à long terme », explique-t-il. « Rien ne dit que la Super League parviendra à tirer davantage de revenus que la Champions League actuelle. »

Quelles conséquences pour la Belgique?

Face aux géants du football européen, la Belgique n’aura pas vraiment son mot à dire. Pour l’heure, encore trois clubs doivent venir compléter la liste des quinze qui joueront chaque année la compétition. Aucune chance que la Belgique récupère une de ces places. Il faudra donc se battre pour les cinq places restantes, qui seront redistribuées chaque année.

Les clubs français et allemands semblent refuser l’idée, il faudra donc batailler ferme pour convaincre d’autres nations footballistiques. Le Portugal et les Pays-Bas pourraient récupérer l’un ou l’autre ticket pour leurs clubs phares, comme l’Ajax ou Porto. Déjà bien représentée avec six clubs fondateurs, la Premier League pourrait voir encore un ou l’autre matricule rejoindre la liste. Il faudra probablement aussi faire avec les autres clubs du haut du classement venus d’Espagne et d’Italie, dont Séville, Naples et l’AS Roma.

Un coup d’œil aux coefficients des clubs de l’UEFA permet de se faire une bonne idée de l’importance des différentes équipes à l’échelon européen. De quoi enterrer les chances belges. Actuellement, le club belge le mieux classé est le FC Bruges, à la 41e position.

Que peut encore faire l’UEFA?

Face aux frondeurs, l’UEFA a toutefois encore quelques cartes à jouer. Elle pourrait aller encore plus loin dans sa réforme pour convaincre au moins quelques clubs de renoncer au projet dissident. Pour la méthode forte, l’UEFA pourrait appuyer sa menace de priver les joueurs des clubs de la Super League d’accès à toutes ses compétitions. Plus de Champions League donc, mais surtout plus de compétition internationale.

L’argument semble néanmoins peu crédible: « La menace paraît impossible à mettre en place. Peut-on vraiment imaginer que l’UEFA interdise à Kevin De Bruyne par exemple de défendre son pays, car il joue dans un championnat dissident? », s’interroge Stefan Kesenne.

La guerre, désormais ouverte, est loin d’être terminée.  Et sur ce point, l’organisme européen a également le très gros avantage d’être parvenu à rallier à sa cause rien de moins que des chefs d’État, dont Emmanuel Macron.

Source: Lecho.be

 

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