Marchés : Comment le Covid-19 a failli tuer l’économie !
Dans un contexte de pandémie, maintenir les conditions d’une concurrence efficace est une nécessité. Comment a réagi le marché marocain ? Quelles répercussions sur la volatilité des prix ? Analyse du conseil de la concurrence

« Au cours du premier trimestre de l’année 2020, la majorité des secteurs d’activité a affiché un niveau de valeur ajoutée, en volume, en progression par rapport aux niveaux observés durant le trimestre précédent », analyse le conseil de la concurrence dans son rapport annuel de l’année 2020. Et d’ajouter «des replis différenciés ont toutefois été constatés dans quelques secteurs productifs, tels que l’agriculture, l’industrie mécanique, métallurgique et électrique (IMME), les « autres industries » (en particulier celle des matériaux de construction), le commerce, l’hôtellerie et la restauration, les transports, les activités financières et assurances, l’immobilier et les services rendus aux entreprises. Ce fléchissement marque en effet, une rupture notable par rapport aux tendances haussières amorcées depuis plusieurs années. Si pour le secteur de l’agriculture, ce ralentissement s’insère dans un mouvement global « en dents de scie » révélant la dépendance de ce secteur productif aux aléas climatiques ; ce ralentissement tient, pour tous les autres secteurs, tient au contexte international déjà marqué par la crise sanitaire et dont les répercussions ont commencé à se manifester dès la fin de 2019. Dans le détail, le conseil de la concurrence souligne que pour l’IMME, où l’industrie automobile accapare l’essentiel de la valeur ajoutée, le ralentissement s’explique par une baisse de la production due à un tassement de la demande étrangère adressée au Maroc en matière de véhicules particuliers et utilitaires. Dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, la décélération est essentiellement imputable à la branche de l’hébergement qui a subi une baisse importante des réservations, en particulier des annulations massives reçues de l’étranger. Le secteur des transports a, de son côté, flanché en raison des mesures de restriction imposées sur les déplacements domestiques et étrangers, décrétées par les pouvoirs publics dès le début du mois de mars 2020 et ayant négativement impacté les différents segments du transport des voyageurs. A contrario, le transport de marchandises a relativement pu préserver sa dynamique, tant du côté de l’importation que de l’exportation. De plus, avec l’application stricte des mesures de confinement tout au long du 2ème trimestre 2020, la dynamique des marchés a subi des perturbations profondes de l’offre et de la demande.
En gros, plusieurs secteurs productifs ont enregistré leur niveau trimestriel le plus bas des cinq dernières années. Ceux-ci représentent 31% de la valeur ajoutée globale en volume et relèvent tous des activités secondaires et tertiaires. Il s’agit de l’industrie du textile et cuir (ITC), de l’IMME, des « autres industries manufacturières » (industrie du bois, industrie de papier et de carton, branche de l’imprimerie, branche de cokéfaction et raffinage), du secteur du bâtiment et travaux publics, du secteur du commerce, du secteur des hôtels et restaurants, du secteur des transports et du secteur de l’immobilier, de la location et des services rendus aux entreprises. «Seules les activités financières et assurances, le secteur de l’éducation, de la santé et celui de l’action sociale ont réussi à poursuivre leur dynamique antérieure », confirme le rapport. En effet, le conseil renvoie ce repli enregistré au niveau des principaux secteurs d’activité à des niveaux de surproduction non satisfaits par une demande insuffisante, tant intermédiaire que finale. En ce sens, les entreprises ont continué à produire des biens et services selon un rythme normal jusqu’au confinement, exceptés les secteurs ayant souffert de la baisse de la production et/ou de la demande au niveau international. De même, les consommateurs ont préservé un comportement d’achat régulier. En fait, cette régression importante de la valeur ajoutée au 2ème trimestre 2020 s’est déclarée en tant que réaction systématique aux mesures de restriction rigoureuses imposées par le gouvernement, dont l’application s’est manifestée par un confinement des travailleurs, une fermeture provisoire des frontières et une interdiction des rassemblements publics et privés.
Effets sur l’offre et la demande
Ces mesures restrictives adoptées dans un contexte de pandémie ont eu un double effet sur l’offre et la demande, selon le conseil de la concurrence. Concrètement, le rapport évoque une sous-utilisation des capacités productives, à travers la fermeture globale ou partielle des unités de production, en raison de l’indisponibilité de la main d’œuvre en effectifs suffisants, de l’insuffisance des intrants provenant de l’étranger et de la suspension des commandes adressées par les entreprises étrangères et des réservations touristiques émanant des particuliers résidents et non-résidents. Aussi, le même rapport met l’accent sur une contraction de la demande intérieure qui a perturbé l’activité des secteurs qui en dépendent, et qui s’explique, d’une part, par une baisse de la consommation des ménages (-6,7% en variation annuelle, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP)) en lien avec le repli des revenus, mais aussi la fermeture totale des commerces non liés aux produits de base et aux biens essentiels, ainsi que la suspension des transports communs et la fermeture des installations hôtelières, les restaurants et les centres de loisirs ; puis, d’autre part, par le recul de l’investissement brut dans ses diverses composantes.
L’adoption par le gouvernement, à partir du 11 juin 2020, d’un plan de levée progressive des mesures de confinement a préludé à la reprise de l’activité pour beaucoup de secteurs productifs. Toutefois, le conseil de la concurrence estime que les conditions permettant un retour à la normale des activités économiques n’étaient pas réunies, ce qui a généré des effets différenciés sur la dynamique des marchés. Les marchés les plus impactés au cours de cette phase de reprise sont ceux pour lesquels la demande a poursuivi son repli en dépit de la stagnation ou de la baisse des prix (notamment les secteurs du commerce, de l’hôtellerie et restauration, des transports et des postes et télécommunications), ou bien les marchés exposés à des chocs de l’offre en raison de difficultés de production (les industries de transformations et les Bâtiments et Travaux Publics (BTP)).