DossiersTextile: on s'intéresse au consommateur marocain ... Enfin!

S’habiller marocain et à base du chanvre

Des vêtements à base du chanvre pourraient bien investir vos armoires dans les années à venir. Cette fibre délaissée depuis près de 70% au profit du coton et des fibres synthétiques, revient en première ligne pour diminuer la dépendance à l’égard de l’étranger et réduire l’impact sur l’environnement.

« 85% des matières premières sont importées aujourd’hui dans le secteur du textile », selon l’AMITH. L’heure est à la recherche d’alternatives vu les difficultés vécues durant la pandémie en matière d’approvisionnement des pays de l’Asie, de la flambée du coût du fret… . En gros, la filière veut développer l’amont. «Nous avons pour objectif de produire un produit totalement intégré de la graine jusqu’au produit fini et pour ambition de faire du Maroc la plateforme mondiale du chanvre textile », note la DG de l’AMITH, Fatima-Zahra Alaoui. La récente légalisation de l’usage industriel du cannabis, représente une véritable opportunité pour le secteur. «La loi a été publié au bulletin officiel. On attend juste les décrets d’application et la création de l’agence dédiée à la réglementation du secteur », souligne le vice-président de l’AMITH, Jalil Skalli.
Une alternative durable…
« En 1850, environ 75% du textile mondial était produit à base de chanvre. Il a disparu avec le temps au profit d’autres matières dont le coton et les fibres de polyester dont l’empreinte carbone est dénoncée », explique Skalli. Aujourd’hui, l’impact de la production et de la consommation textile sur l’environnement est devenu un enjeu global majeur. Les fabricants de textile cherchent des alternatives, tentent de se réinventer et se tourner progressivement vers des matières éco-responsables. «Contrairement au coton, la culture du chanvre nécessite très peu d’eau, stocke le CO2 dans le sol, permettant à celui-ci de se régénérer plus rapidement, n’a pas besoin de fertilisants, très peu d’engrais et de pesticides…bref la plante elle même a beaucoup de vertus écologiques sur les terres et la fibre une fois transformée à des produits dérivés comme le textile a énormément de propriétés telles que la résistance, la régulation thermique, la protection contre les rayonnements… », détaille Alaoui. Et d’ajouter «Pour l’export, l’entrée en vigueur de la taxe carbone en Europe dès 2023 représente une opportunité pour nous, utilisateurs du chanvre. Nos clients exigent une durabilité du produit et une traçabilité de tout le processus. C’est un bon argument alors pour faire valoir leurs produits auprès des consommateurs européens au niveau mondial ». Néanmoins, même si le chanvre sera de plus en plus utilisé dans l’industrie du textile, il ne va pas, selon Alaoui, détrôner ni le coton ni les fibres synthétiques. Il pourra toutefois remplacer une partie de la consommation.
…mais coûteuse
Les textiliens le reconnaissent : le processus de transformation de la fibre de chanvre est très complexe, et par extension plus coûteux que d’autres fibres. «L’outil industriel est certes coûteux parce qu’il faut tout créer surtout que la transformation nécessite le recours à des nouvelles technologies et de nouvelles machines, mais beaucoup d’industriels sont dans les starting-blocks aujourd’hui et sont prêts à investir sur ce créneau porteur dès la mise en place du cadre légal adéquat. Nous croyons au potentiel de cette fibre et ce qu’elle peut apporter au secteur et au pays. Il y a tout à gagner », affirme Alaoui.

Entretien Fatima-Zahra Alaoui, Directrice Générale de l’AMITH
L’AMITH a mis en place une nouvelle feuille de route à l’horizon 2035. Quelles motivations et quels objectifs ?
La crise sanitaire a frappé de plein fouet le secteur du textile à l’instar d’autres secteurs. Annulations de commandes, arrêt des chaînes d’approvisionnement mondiales, fermetures d’usines… l’impact sur les entreprises et les travailleurs du secteur n’est pas à négliger. Parmi ses conséquences aussi, un changement des habitudes de consommation qui a donné naissance à de nouvelles tendances mondiales notamment le boom du e-commerce, accéléré par la restriction des déplacements et des mutations qui ont touché particulièrement le marché du prêt-à-porter avec des consommateurs se dirigeant vers une mode éthique et une consommation plus responsable, plus durable. C’est en observant les mutations des deux dernières années et en recueillant des données sur le terrain et auprès de ses membres et de ses partenaires, que l’AMITH a développé une nouvelle vision, en cohérence avec le Nouveau Modèle de Développement du Maroc à l’horizon 2035. Cette vision s’appuie sur quatre leviers de développement: l’agilité, l’innovation, la qualité et l’éco-responsabilité qui couvre les marchés local et international. Il s’agit d’une stratégie globale, d’un guide transversal pour le secteur du textile marocain et de ses différentes composantes, et d’une réelle opportunité pour le secteur d’accélérer son développement dans le respect de valeurs sociales, environnementales, économiques et temporelles. Sa mise en œuvre a pour objectifs de pérenniser les emplois dans le secteur du textile et de l’habillement et en créer 50 000 nouveaux à l’horizon 2025, assurer des conditions de travail optimales aux collaborateurs du secteur; devenir une référence en matière de production durable, reconquérir le marché local et booster les performances du Maroc à l’export en conquérant de nouveaux marchés.

Quelle place occupe aujourd’hui le consommateur marocain dans la stratégie de l’AMITH pour les 14 prochaines années ?
Le marché local occupe une place capitale dans la stratégie Dayem Morocco 2035. Actuellement, notre part de marché sur le marché domestique est très faible et ne dépasse pas les 30%. Et l’ambition est d’atteindre 40% durant les prochaines années. Nous voulons se réapproprier notre marché et réconcilier le consommateur marocain avec l’offre locale. Il y a des préjugés aujourd’hui non justifiées côté qualité et prix. Le secteur du textile marocain est le premier fournisseur pour l’Europe ce qui prouve la qualité des produits. Pour le prix, certains produits importés étaient vendus à des coûts anormalement bas ce qui a d’ailleurs justifié la mise en place de l’amendement de l’accord de libre échange avec la Turquie. Pour renouer la relation de confiance avec les consommateurs, nous comptons communiquer davantage sur l’offre marocaine. Le consommateur saura ainsi que des marques made in Morocco existent proposant des produits de bonne qualité avec des prix qui ne sont pas forcément plus chers que ceux importés. Il faut souligner aussi, que favoriser l’importation au détriment de la production locale quand elle est équivalente en termes de qualité et de prix, c’est contribuer à l’emploi dans les pays qui fabriquent ces produits importés au détriment de l’emploi local.
L’industrie textile veut recourir à l’utilisation chanvre. En quoi cette fibre peut-elle être bénéfique pour le secteur et pour le consommateur ?
Contrairement aux idées reçues, le chanvre a été utilisé depuis des siècles par l’industrie textile, qui l’a pourtant écartée et diabolisée au profit d’autres matières comme le coton et les fibres synthétiques jusqu’à ce que les problématiques environnementales changent la donne. Car le chanvre, représente une alternative naturellement durable. La culture du coton par exemple nécessite 100 fois plus d’eau que du chanvre. La plante elle-même, a une empreinte carbone négative puisqu’elle absorbe du CO2, n’a pas besoin de fertilisants, régénère et augmente le rendement des sols…Une fois transformée, cette matière peut être utilisée pour le textile médical vu que ses propriétés chimiques font d’elle un anti-bactérien et un anti-viral. Aussi, le chanvre est parfait pour le textile de l’équipement de protection individuelle vu son caractère retardataire de flammes… Dans l’habillement, cette fibre capte moins les colorants, permet une régulation thermique et une protection contre les rayonnements et apporte également de la résistante aux vêtements. Ce n’est pas pour rien qu’elle est utilisée depuis des milliers d’années pour la fabrication des toiles de tentes et voiles de bateau, par exemple. En gros, c’est une fibre qui va apporter beaucoup d’avantages au consommateur et à l’industrie du textile elle-même. Elle va nous permettre non seulement de proposer un produit durable à 100%, totalement intégré de la graine jusqu’au produit fini mais aussi de placer le Maroc en pool-position dans les industries du textile mondial.

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page
×