Agriculture bio ... Eldorado ou mirage?Dossiers

Produits bio … Malgré les labels, l’arnaque n’est jamais loin !

Le bio semble fiable, mais peut-on vraiment lui faire confiance ? Qu'est-ce qui garantit qu'un produit bio soit véritablement issu de l'agriculture biologique? Qui consomme du Bio au Maroc ?… Tour d'horizon de ces questions que les consommateurs oublient, parfois, de se poser.

Le bio séduit de plus en plus de consommateurs au Maroc. La question des vertus de l’alimentation biologique est au cœur des préoccupations actuelles, surtout après le séisme de la pandémie qui a modifié les comportements et chamboulé les modes de consommation. Mais, la notion du bio au Maroc ne date pas d’aujourd’hui. En effet, le pays possède, depuis 2018, sa propre réglementation régissant la production des produits bio (loi 39-12 promue en février 2013 et entrée en vigueur en septembre 2018). Depuis, des efforts ont été déployés pour promouvoir la filière.
Pas de pesticides, pas d’engrais chimiques
En effet, pour qu’un produit soit bio, il ne suffit pas qu’il porte la mention « bio ». C’est tout un processus à respecter. « Pour les produits soient bio, il faut qu’ils répondent aux exigences d’un cahier de charges strict », tranche Khalid Azim, chercheur marocain siégeant au conseil d’administration de l’Isofar, une société internationale de recherche en agriculture biologique. De son côté, Reda Tahiri, président de l’Union marocaine des producteurs d’agriculture biologique, explique que le label bio signifie qu’un fruit ou un légume a été cultivé selon les normes de l’agriculture biologique, c’est à dire sans pesticides et sans engrais chimiques. Ces deux conditions sont nécessaires aux produits pour obtenir le label mis en place par le ministère de tutelle. Les produits sont soumis préalablement au contrôle et à la certification d’un des organismes de contrôle et de certification agréé à cette fin et qui atteste de leur conformité aux dispositions de la réglementation en vigueur. «Les produits labellisés bio portent une étiquette mentionnant le sigle Bio Maroc. Cela permet aux consommateurs de les identifier facilement », insiste Azim qui met l’accent aussi sur d’autres caractéristiques notamment «le code du certificateur et celui du producteur. Si ces deux numéros d’identification n’existent pas, cela veut dire qu’il n’est pas bio du tout». Toutefois, il existe encore une confusion dans l’esprit du consommateur marocain quant à la définition des produits bio, notamment avec les produits beldis. «Le beldi n’est pas du bio. Qui dit bio dit nécessairement un cahier de charges à respecter », affirme Tahiri qui appelle les consommateurs, en cas de doute, à demander au producteur le certificat gage de crédibilité. Autre amalgame évoqué par Azim la mention du zéro résidus de pesticides. «C’est pas du bio, plutôt une alternative soft au bio car s’il n’y a pas de pesticides, il y a tout de même présence d’engrais chimiques », alerte t-il.
Quid des produits importés?
Face à une offre réduite de produits bio certifiés au Maroc, on importe de l’étranger pour combler le déficit. «La majorité des produits bio sur le marché sont importés. Puisque peu d’agriculteurs optent pour la certification. Le processus de l’agriculture peut être respecté mais sans labellisation ni valorisation », regrette Tahiri. Ainsi, pour les produits importés, différents labels existent. Si le produit est originaire d’Europe, alors pas de problème puisque le Maroc suit de près la législation européenne et n’importe quel produit européen certifié bio est automatiquement équivalent à la réglementation marocaine. Or, si le produit provient d’autres pays, cela pose problème d’autant plus que selon Azim, il y a déficit en matière de contrôle. «L’ONSSA se charge du contrôle des marchés intérieurs avec une action limitée au quasi absente sur les produits issus de l’agriculture biologique. Par exemple, un produit pourra être certifié par un organisme où les règles sont moins strictes et porter le logo agriculture biologique », prévient l’expert
Halte à la contrefaçon
Dans ce sens, beaucoup de scandales ont éclaté un peu partout dans le monde. C’est même tout un réseau de trafiquants du bio entre la Roumanie et l’Italie qui avait été démantelé, début 2012. Les trafiquants achetaient des céréales issues de l’agriculture conventionnelle en Roumanie, les réemballaient et leur faisaient obtenir une fausse certification biologique en Italie, avant de les écouler dans toute l’Europe. Au Maroc, Tahiri reconnait qu’il y a des abus. «Certains prétendent qu’un produit est réellement bio, alors qu’en vérité il ne l’est pas. Et là, il faut que le consommateur soit vigilent et vérifie toujours la présence des différents codes de garantie (producteur et certificateur) », préconise t-il. Mais, une chose est sûre selon Azim, la contrefaçon concerne surtout les produits importés notamment des produits emballés, diététiques, cosmétiques…avec des mentions Slow food. «Dans les marchés spécialisés : les boutiques sont contrôlées régulièrement par l’ONSSA mais rien sur le plan de traçabilité et d’hygiène de la loi 28-07 en dehors des prescriptions de cahier de charge produits transformés de la loi marocaine 39-12 des productions biologiques », note une étude réalisée par AFC Agriculture and Finance Consultants GmbH (AFC) en collaboration avec l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL) Suisse et Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), intitulée «Analyse des besoins/ diagnostic pour la production, transformation et des marchés nationaux et internationaux des produits bio du Maroc».
Autre hic relevé : « dans les GMS, les produits biologiques sont parfois mélangés avec les produits conventionnels tout en mettant des étiquettes non conformes à la réglementation en vigueur. Le niveau du contrôle de l’ONSSA est semblable à celui des magasins spécialisés et s’occupe seulement des spécifications de la loi 28-07 ». La même étude pointe du doigt aussi sur la commercialisation par internet et les paniers à livraison domestique qui échappent au contrôle de l’ONSSA. «Face à ces lacunes de contrôle et l’impossibilité d’intervention effective de l’ONSSA, le consommateur a raison de ne pas s’engager dans une consommation des produits biologiques aussi moins contrôlés que les produits conventionnels », conclut l’étude qui insiste sur le fait que la demande existe et que le consommateur marocain peut éventuellement payer plus pour consommer bio, mais par contre, il demande à ce que les produits soient diversifiés, disponibles toute l’année avec une assurance qualité et traçabilité continue par les services compétents au niveau marché national.

Consommateur de bio : portrait-robot
Les résultats de l’étude AFC-IFBL-INRA montrent qu’il y a deux types de postures face aux produits bio : d’un côté ceux qui les défendent et pensent qu’ils sont l’allié de la bonne santé et la bonne mine, et, de l’autre côté, ceux qui pensent qu’il s’agit d’une simple démarche marketing accompagnée de fausses promesses. « Il est difficile de prétendre aujourd’hui que les consommateurs marocains du bio sont une infime partie de la consommation au Maroc avec son ampleur quantitative qui demeure modeste. Le comportement alimentaire marocain commence à changer, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la dimension santé de leur alimentation et développe de l’intérêt pour le bio, jugé plus favorable à la santé », note la même étude. Or, et malgré cette conscience des bienfaits et cette volonté de consommer et vivre bio, le les auteurs ajoutent que le consommateur marocain, a toujours tendance à consommer plus de produits conventionnels. Sur le profil du consommateur du bio, Reda Tahiri, président de l’Union marocaine des producteurs d’agriculture biologique, souligne qu’il s’agit généralement de jeunes couples ave enfants, des citadins issus surtout de la classe aisée et de la classe moyenne supérieure. Khalid Azim, chercheur marocain siégeant au conseil d’administration de l’Isofar, une société internationale de recherche en agriculture biologique, assure de son côté que le bio au Maroc séduit particulièrement les expatriés et les cadres de la classe moyenne et supérieure. «Ces consommateurs sont conscients des enjeux bio et font attention à ce qu’ils consomment et l’impact direct sur leur santé », ajoute l’expert.

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