La gestion des dépenses de carburant au sein des collectivités territoriales suscite de nouveau l’inquiétude, alors que les budgets alloués ne cessent d’augmenter sans véritable mécanisme de contrôle. Le scandale du détournement de carburant à la préfecture de Hay Hassani, récemment médiatisé, a mis en lumière les failles persistantes dans la gestion des fonds publics.
Une explosion des coûts sans transparence
Les dépenses annuelles en carburant des collectivités territoriales dépassent désormais les 3,2 milliards de dirhams, soit plus de la moitié du budget consacré à la gestion du parc automobile, aux pièces détachées, à l’entretien et aux divers moyens de transport. Pourtant, peu de mesures concrètes ont été prises pour encadrer ces dépenses et éviter les abus.
Avant 2016, ce budget ne dépassait pas 1,5 milliard de dirhams, mais il a doublé en 2023, alors même que le nombre de véhicules n’a augmenté que légèrement. Les élus justifient cette hausse par l’instabilité du marché des carburants, rappelant que le prix du litre a parfois atteint 17,80 DH. Cependant, malgré la baisse récente des prix, les budgets alloués restent inchangés, ce qui alimente les soupçons d’une gestion inefficace, voire opaque.
Des résistances face aux mécanismes de contrôle
À l’exception de rares collectivités, la majorité des communes refusent de soumettre la gestion du carburant à des outils modernes de suivi. Systèmes informatiques, applications de gestion et dispositifs de géolocalisation (GPS), qui permettraient d’évaluer précisément la consommation de carburant, sont largement rejetés par les responsables locaux.
Dans certaines grandes villes, comme Casablanca, les budgets carburant atteignent 20 millions de dirhams par an, alors qu’une partie des véhicules sont sous contrats de location, censés réduire les coûts d’entretien. Ce paradoxe renforce les interrogations sur l’opacité des dépenses.
Un système de distribution vulnérable aux abus
L’approvisionnement en carburant des collectivités est assuré par la Société nationale de transport et de logistique (SNTL), qui délivre des carnets de chèques aux élus et fonctionnaires autorisés pour effectuer leurs pleins dans des stations-service partenaires. Bien que ce système soit présenté comme un gage de transparence, de nombreuses irrégularités ont été signalées.
Certaines dérives concernent la distribution de carnets de chèque à des personnes non éligibles, ainsi que des détournements facilités par l’absence de mécanismes de contrôle stricts. En l’absence de sanctions claires et d’une véritable politique de transparence, ces abus restent souvent impunis.
Face à cette situation, l’instauration de mesures rigoureuses de suivi et d’audit apparaît indispensable pour freiner l’hémorragie financière et garantir une utilisation optimale des fonds publics.