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Un éco-système à construire

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La présidente de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA), Latifa Akharbach, a tenu à son tour à souligner que «la recomposition accélérée des systèmes médiatiques, qui a affecté la structuration du marché publicitaire et fait émerger sous un nouveau jour la problématique de la souveraineté même de notre espace national, culturel et économique», appelant les participants à repenser ensemble le rôle de la publicité dans le paysage médiatique marocain.
L. Akharbach a rappelé que partout dans le monde, la publicité est une ressource économique essentielle qui, correctement encadrée et bien valorisée, est un levier décisif pour le développement de la capacité médiatique nationale. Mais, déplore-t-elle, «à la lumière de la situation actuelle de notre paysage médiatique, il apparaît clairement que nous n’avons pas encore réussi à construire un écosystème publicitaire suffisamment équitable, transparent et viable, capable de soutenir la pluralité, la qualité et l’indépendance des médias nationaux».
La présidente de la HACA a partagé quelques constats et analyses issus des observations et travaux sur la question, soulignant les trois axes majeurs que sont la déontologie du discours publicitaire, la gouvernance économique et concurrentielle du marché publicitaire, et l’impact du développement spectaculaire de la publicité numérique sur notre souveraineté médiatique.
Concernant le premier axe, elle a expliqué que la publicité est avant tout un narratif, un discours adressé aux citoyens consommateurs, un discours qui façonne le désir, construit l’image, confère le prestige et fabrique des représentations sociales, rappelant qu’elle ne peut se soustraire aux exigences éthiques qui s’imposent à tous les espaces de communication publique.

Protéger les citoyens consommateurs
Elle a notamment insisté sur le principe fondamental de séparation stricte entre le contenu publicitaire et le contenu éditorial, notant qu’il faut encore plus d’efforts pour le respecter dans notre pays et a évoqué la jurisprudence en la matière, et les sanctions prises par le Conseil supérieur de la communication audiovisuelle, tout en appelant à renforcer la vigilance sur cette question essentielle, qui touche à l’intégrité de l’information et à la déontologie professionnelle.
Abordant les difficultés économiques des médias, elle a déclaré que «la rareté de la essource publicitaire et les difficultés économiques réelles des médias individuels doivent trouver d’autres solutions adaptées, pérennes et respectueuses des droits des citoyens à un espace public médiatique libre et de confiance».
Évoquant l’expérience de la HACA, elle a précisé: «Il est arrivé à la HACA de refuser de sanctionner un dépassement publicitaire pour passer un message: ce n’est pas juste que personne ne fasse son devoir pour donner à l’audiovisuel public les moyens de ses missions, et qu’on vienne à la fin pour sanctionner» et a plaidé pour aller de l’avant à ce niveau, soulignant que l’évolution rapide des formats et des logiques de diffusion appelle une réécriture continue et rigoureuse des cadres déontologiques applicables. Elle a dans ce cadre appelé à une vigilance publique, précisant qu’il faut éviter un cadre légal et régulatoire fragmenté: «Il nous échoit collectivement, dans un esprit de responsabilité partagée, de faire émerger une doctrine claire, cohérente et assumée sur ce que nous voulons valoriser dans l’espace public, sur ce que nous pouvons admettre et sur ce que nous devons proscrire sans équivoque».
La présidente a rappelé que la jurisprudence de la HACA, les plaintes reçues et les expériences comparées montrent que cette doctrine, encore à construire, doit englober de nombreuses pratiques telles que les formes de publicité trompeuse ou mensongère, les représentations stéréotypées ou sexistes, la promotion des produits à risque…
Elle a estimé que «la réflexion critique doit dépasser les seuls aspects techniques pour questionner la responsabilité sociale du message publicitaire dans une société marocaine en pleine transformation» tout en s’interrogeant sur: «Quelle vision du corps, de la réussite, du bonheur, de la citoyenneté la publicité marocaine cultive-t-elle ? Quel imaginaire collectif contribue-t-elle à façonner, consciemment ou non?», ajoutant que «nos valeurs et notre culture sont mouvantes», et insistant sur le fait que le Maroc moderne est celui de la diversité et de l’ouverture.
Abordant la gouvernance du marché publicitaire, elle a affirmé qu’il faut «garantir que la publicité ne devienne ni un levier de concentration et de domination, ni une menace à l’indépendance des opérateurs médiatiques» et a plaidé pour «l’instauration de mécanismes de transparence et d’accompagnement afin d’assurer un accès équitable à la ressource publicitaire et une meilleure répartition géographique, linguistique et sectorielle des flux», estimant que la publicité peut être un grand levier d’équité territoriale et d’ouverture citoyenne. La présidente a également souligné la nécessité de renforcer les ressources humaines et financières du service public audiovisuel et d’accompagner sa transition numérique, conditions qu’elle juge indispensables au développement médiatique du pays. Et d’ajouter : «Le modèle économique du service public doit reposer sur un financement adéquat, stable, prévisible et affranchi des contraintes liées à la pression publicitaire».

Un enjeu de souveraineté
Abordant le troisième axe, celui de la souveraineté, elle a mis en garde contre la migration massive des investissements publicitaires vers les plateformes numériques globales, qui a disrupté les marchés médiatiques: «Ces plateformes
captent les données, segmentent les publics, monétisent les audiences locales, mais échappent largement à la régulation nationale». Elle a ainsi plaidé pour un encadrement global de la publicité numérique afin de protéger à la fois les droits des usagers marocains et les intérêts économiques de nos opérateurs médiatiques et a proposé une taxation spécifique sur les revenus publicitaires des plateformes globales opérant au Maroc, afin d’instaurer un cadre fiscal équitable et de redistribuer une partie de la valeur publicitaire captée au profit des médias nationaux et de leur production locale. Et d’ajouter : «Nous devons aussi demander aux plateformes un plus grand renforcement de la protection des mineurs et des publics vulnérables contre les publicités addictives et les produits nocifs», insistant également sur «la nécessité de renforcer notre cadre juridique et régulatoire national, notamment en matière de lutte contre la publicité mensongère et dissimulée, et de réglementer la publicité politique et électorale pour préserver l’intégrité des processus démocratiques».
Pour conclure, L. Akharbach a souligné que la publicité ne saurait être réduite à un simple instrument de marché, affirmant qu’elle est désormais un véritable enjeu de souveraineté: «Une publicité pensée avec vision, encadrée avec rigueur et portée par l’intérêt général peut devenir une formidable force de transformation, capable d’inscrire l’écosystème médiatique marocain dans une dynamique vertueuse, créatrice de valeur, de confiance et de sens».

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