Dans cette interview, Monsieur Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’Eau, explique comment le Maroc gère le stress
hydrique par des mesures d’urgence et des technologies économes, tout en sensibilisant à la réutilisation des eaux usées.
À long terme, le ministère vise une gestion durable des ressources avec la diversification des sources et l’amélioration des
infrastructures. Le dessalement est étendu avec des projets ambitieux comme la plus grande station africaine à Casablanca.
Monsieur le Ministre,
comment votre ministère
gère-t-il le stress hydrique
et quelles mesures à long
terme sont mises en place
pour y faire face ?
La succession des années déficitaires
en eau a impacté négativement
nos réserves. Pour les
régions les plus touchées, nous
avons préparé et signé des
conventions dans le cadre d’un
plan d’urgence. Les mesures
incluent l’installation de barges
flottantes, des projets de transfert
d’eau brute, l’équipement
et la réhabilitation de forages,
et l’utilisation de technologies
économes en eau. Nous mettons
également l’accent sur la
sensibilisation et la réutilisation
des eaux usées pour réduire la
pression sur l’eau potable et les
eaux souterraines.
Quelles mesures spécifiques
sont adoptées pour rationaliser
l’utilisation de l’eau ?
Nous avons établi des règles
d’optimisation pour différents
usages. La priorité est donnée
à l’eau potable, avec une solidarité
spatiale dans la distribution
via des interconnexions entre
barrages et bassins. Nous rationalisons
la consommation
avec des restrictions sur le lavage
des véhicules, l’arrosage
des espaces verts et des golfs,
et le remplissage des piscines.
Nous encourageons également
l’efficacité hydrique à travers
l’amélioration des réseaux d’eau
potable et des conduites multi-
services.
Quelle est votre vision pour
l’avenir en termes de gestion
de l’eau au Maroc ?
Notre objectif est de garantir
une gestion durable et efficace
de nos ressources en eau. Cela
passe par la diversification des
sources d’approvisionnement,
l’amélioration des infrastructures
existantes, et la mise en
place de nouvelles technologies
pour l’économie et la réutilisation
de l’eau. Nous visons à
sécuriser l’approvisionnement
en eau potable et à soutenir
l’irrigation et le développement
économique du pays malgré les
défis climatiques et la demande
croissante.
Quelles sont les actions
entreprises par le Maroc
pour augmenter les réserves
d’eau ?
Le Maroc possède 154 grands
barrages avec une capacité totale
de plus de 20,7 milliards
de m3, ainsi que 146 petits
barrages. Actuellement, nous
construisons 17 grands barrages
d’une capacité totale de
5,6 milliards de m3, un barrage
moyen et trois petits barrages.
Nous soutenons également les
Agences Régionales d’Exécution
des Projets pour la réalisation
de petits barrages au niveau
régional. Concernant les eaux
souterraines, nous avons mis en
place un programme de préservation
pour gérer leur exploitation
et protéger ces ressources
vitales.
Pouvez-vous nous parler
des projets de dessalement
actuellement en cours au
Maroc ?
Le dessalement de l’eau de mer,
initialement pratiqué pour l’approvisionnement
en eau potable
des provinces du Sud, a été
étendu à d’autres villes comme
le Grand Agadir et Al Hoceima,
ainsi que pour des usages tels
que l’irrigation et l’industrie du
phosphate. Aujourd’hui, le Maroc
dispose de 15 stations de
dessalement en exploitation
avec une capacité totale de 192
Mm3/an. En plus, six autres stations
d’une capacité totale de
438,3 Mm3/an sont en cours
de réalisation pour Casablanca,
Safi, Jorf Lasfar, Sidi Ifni, Dakhla
et Amgriou.
Pouvez-vous nous donner
plus de détails sur la station
de dessalement de Casablanca
?
Le projet de Casablanca est particulièrement
ambitieux, étant
la plus grande station de dessalement
en Afrique. Avec une
capacité de production totale
de 300 millions de m3 par an
(250 pour l’eau potable et 50
pour l’irrigation), la première
phase de ce projet a été initiée
début 2024. La mise en service
est prévue pour fin 2026. Nous
envisageons d’utiliser l’énergie
éolienne pour répondre aux besoins
énergétiques et optimiser
les coûts de production.
Qu’en est-il de la station de
dessalement de Nador ?
Le projet de Nador prévoit une
capacité de production de 250
millions de m3 par an (140 pour
l’eau potable et 110 pour l’irrigation).
Actuellement, nous préparons
le cahier des charges pour
le contrat de partenariat public-
privé pour réaliser ce projet.