Dans un pays où les plats mijotés à la viande sont une véritable institution, l’idée d’un couscous sans agneau ou d’un kefta sans bœuf peut sembler presque sacrilège. Et pourtant, une nouvelle vague culinaire commence à faire son chemin dans les grandes villes marocaines : celle de la cuisine végétale.
À Casablanca, Marrakech ou encore Tanger, quelques établissements audacieux se détachent des traditions carnées pour proposer des alternatives végétariennes, voire 100 % véganes. À Casablanca, le restaurant Niya, installé dans le quartier chic de Gauthier, a été l’un des pionniers. Ici, les classiques sont réinventés : le bacon devient céleri, l’omelette est préparée à base de pois chiches, et l’ensemble est servi dans un décor chaleureux fait de pièces chinées.
Même les bastions les plus réputés de la gastronomie marocaine ne sont pas hermétiques à ces nouvelles inspirations. À Marrakech, le prestigieux Royal Mansour continue certes de mettre à l’honneur la mrouzia traditionnelle, généreuse en viande d’agneau. Mais à Tanger, au cœur de la kasbah, le restaurant NBTA revisite ce même plat emblématique… sans viande. Le chef mise sur le seitan, riche en protéines, pour reproduire les textures attendues. Quant au kefta, il se compose ici de haricots, panés et assaisonnés avec soin.
Ces initiatives restent marginales, mais leur multiplication est notable. Le café Red Clay, ouvert depuis 2022 à Taghazout, a rejoint cette mouvance. Quant à NBTA, il a ouvert ses portes en 2024. Une dynamique qui ne signe pas encore une révolution, mais qui traduit un changement d’habitudes, porté par une clientèle curieuse, souvent jeune, locale autant qu’étrangère.
Au Maroc, où la viande est synonyme de générosité, de fête et d’hospitalité, la montée d’une cuisine alternative sans produits d’origine animale reste un pari audacieux. Mais à mesure que les préoccupations liées à la santé, à l’environnement ou au bien-être animal progressent, cette tendance pourrait bien s’installer durablement. À l’image des graines que l’on sème lentement, mais qui finissent toujours par germer.
Avec Le Monde