Quota social obligatoire: les écoles privées n’en veules pas des pauvres?!

Une tempête secoue l’enseignement privé au Maroc. Un projet de décret gouvernemental, actuellement à l’étude, prévoit d’imposer aux écoles privées de réserver 15 % de leur capacité d’accueil à des élèves issus de familles défavorisées, en situation de handicap ou en difficulté sociale, dès la rentrée 2025-2026. Une mesure de solidarité que les professionnels du secteur rejettent en bloc.

Une réforme dans l’esprit de l’école inclusive

Cette disposition s’inscrit dans la mise en œuvre de la loi-cadre 51-17, censée garantir une école équitable et accessible à tous. Le quota envisagé devrait se répartir comme suit : 30 % pour les élèves issus de familles précaires, 30 % pour les élèves porteurs de handicap, et 40 % pour d’autres cas sociaux spécifiques, avec une marge d’ajustement selon les besoins locaux.

Mais derrière l’ambition affichée d’une école plus inclusive, les écoles privées montent au créneau. Réunies récemment à Casablanca, les principales associations représentatives du secteur ont exprimé leur refus catégorique, dénonçant une mesure « imposée sans concertation ». Le ton est monté, au point que ces organisations ont mis en place une cellule de crise pour suivre le dossier, en attendant l’arbitrage du Secrétariat général du gouvernement.

Le privé défend ses marges

Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia, qui a révélé l’affaire, rapporte que les écoles privées accusent le ministère d’avoir contourné la commission mixte créée en 2023 pour encadrer le dialogue entre les pouvoirs publics et les opérateurs. Pour elles, cette décision unilatérale s’apparente à un coup de force réglementaire.

Derrière cette levée de boucliers se cache une réalité dérangeante : le secteur privé de l’éducation peine à assumer un rôle social, malgré sa croissance rapide et les profits qu’il tire d’un système éducatif à deux vitesses. Plus d’un million d’élèves sont aujourd’hui inscrits dans des écoles privées, avec des frais souvent inabordables pour les familles modestes. Refuser d’accueillir un élève gratuit sur sept, dans un pays où les inégalités éducatives restent criantes, interroge sur les priorités de ces établissements.

Le gouvernement ne lâche pas

Du côté du ministère, on affirme vouloir aller jusqu’au bout. Le projet de décret introduit plusieurs garde-fous : les établissements qui n’atteignent pas 50 % de taux d’occupation ne seront pas concernés, les bénéficiaires seront sélectionnés selon des critères précis définis par arrêté, et la mention de la contribution sociale figurera dans l’autorisation d’ouverture des écoles.

Le texte prévoit aussi une transmission annuelle des listes de bénéficiaires, instaurant ainsi une forme de traçabilité dans l’application de la mesure.

Alors que le débat fait rage, ce bras de fer entre l’État et les écoles privées pose une question centrale : l’éducation peut-elle rester un secteur strictement lucratif, ou doit-elle s’ouvrir à des exigences de solidarité nationale ? Pour beaucoup, l’heure est venue de rappeler que l’école, qu’elle soit publique ou privée, est aussi un bien commun.

Avec Al Ahdath Al Maghribia

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