Finances publiques: le Maroc recourt à la dette extérieure pour éviter une panne généralisée

Le combat contre le Coronavirus a failli faire oublier que notre économie dépend de beaucoup de la bonne santé de ses partenaires internationaux. Si l’UE éternue, notre économie risque tout bonnement d’attraper un Covid dure à déloger. Et c’est ce qui semble se mettre peu à peu en place.

Déjà dans sa dernière note de conjoncture, le HCP annonce une récession à partir du deuxième trimestre 2020 sous l’effet du Covid19 avec un taux de croissance négatif de -1,8% (au lieu +2,1% en l’absence de l’effet Covid-19).

Conscient que les temps à venir sont durs, le ministère des Finances s’est empressé de faire adopter une loi permettant au ministre de tutelle de dépasser le montant de prêts internationaux autorisés cette année et de lui accorder la latitude d’en contracter au besoin pour faire face au manque de devises.

Oui c’est bien de ça qu’il s’agit: une « simple » question de devises. En effet, le stock de devises dépend essentiellement (mais pas que) de la balance commerciale (export/import). Avec la crise actuelle, tous les secteurs qui drainaient de la devise au pays se trouvent grippés (car la demande extérieure s’est arrêtée ou presque): tourisme, produits agricoles, transferts de MRE, exportations de voitures et autres produits issus des métiers mondiaux du Maroc, IDE…

En revanche, le Maroc continue d’importer plusieurs produits indispensables à la marche normale d’une économie: énergie (pétrole essentiellement), machines et équipements, quelques produits agricoles tels que le blé… Cela sans parler des sorties de capitaux en guise du remboursement de la dette et de son service.

Dans ce contexte, le besoin en devises se fait davantage ressentir et met la pression sur l’Etat, (les réserves de change étant à 5 mois d’importation aujourd’hui), d’où la loi sur le dépassement du montant de la dette inscrit pour 2020.

D’ailleurs, le ministère des Finances n’a pas beaucoup attendu pour passer à l’acte et tirer 3 milliards de dollars sur la ligne de liquidité (LPL) mise à sa disposition depuis 2012 par le FMI, soit la totalité de cette cagnotte. « Dans le cadre de la politique de réponse proactive de notre pays à la crise de la pandémie de Covid 19, le Maroc a procédé le 07 avril 2020 à un tirage sur la Ligne de Précaution et de liquidité (LPL) pour un montant équivalent à près de 3 milliards de dollars, remboursable sur une période de 5 ans, avec une période de grâce de 3 ans », affirme un communiqué conjoint du ministère des Finances et de Bank Al Maghrib.

« La pandémie du Covid19, d’une ampleur sans précédent laisse présager une récession économique mondiale bien plus profonde que celle de 2009. L’économie nationale sera en conséquence impactée, notamment au niveau des secteurs et des activités orientés vers l’extérieur, à savoir les métiers mondiaux du Maroc, les recettes au titre des voyages, les transferts des marocains résidents à l’étranger et les investissements directs étrangers », explique le communiqué.

3 milliards de dollars c’est l’équivalent d’environ un mois d’importations ce qui laisse deviner que la politique de la dette massive ne fait que commencer et que le pays devra lever pour cette année au moins 6 milliards de dollars si l’on en croit l’agence spécialisée Bloomberg.

Au-delà de cette urgence liée au fonctionnement normal du commerce extérieur,  l’économiste Najib Akesbi estime que la dernière mesure prise pour élargir la bande de fluctuation du taux de change n’est pas étrangère à cette ruée sur le marché de la dette. En effet, pour maintenir la valeur du dirham à un niveau convenable, la Banque Centrale n’a plus désormais de possibilité que d’acheter de la devise ou laisser s’effondrer le dirham dans un scénario à la turque…

Pour rappel, à fin septembre 2019, l’encours de la dette publique du Maroc s’élevait à 334,9 milliards de dirhams (151,4 milliards DH pour Trésor et  183,5 milliards DH pour les emprunteurs publics hors Trésor).

La bonne nouvelle, est que l’argent, au vu de cette morosité globale, ne coûte pas cher au niveau des places financières internationales.

Mohamed Benchaâboun, ministre des Finances, et banquier chevronné qu’il est, saura en principe tirer le meilleur partie de cette situation inédite pour faire traverser au pays cette zone de turbulence avec le minimum de dégâts.

On compte sur lui.

 

 

 

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