Au Maroc, le secteur de l’élevage traverse une période particulièrement difficile. En neuf ans, un tiers du cheptel a disparu, fragilisé par les sécheresses successives. Cette crise structurelle a des conséquences visibles, entre flambée des prix de la viande rouge et décision inédite d’annuler le sacrifice de l’Aïd. Les regards se tournent désormais vers les choix agricoles passés, la dépendance aux importations et les solutions à portée de main.
L’une des causes majeures de cette situation réside dans le recul de la production locale de fourrage. En raison de la rareté de l’eau et de l’orientation vers des cultures arboricoles gourmandes, comme l’olivier, les surfaces dédiées aux céréales fourragères ont fondu. Or, ces cultures sont historiquement adaptées aux conditions climatiques du pays. « La question de l’autonomie fourragère devient cruciale si l’on veut sauver la filière », alerte Soufiane El Aayadi, enseignant-chercheur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan-II.
Face à cette impasse, des pistes émergent. Des espèces résilientes comme le sorgho font l’objet d’expérimentations, en raison de leur faible besoin en eau. L’adaptation passe aussi par le retour à des systèmes d’élevage intégrant des cultures plus rustiques et plus compatibles avec le stress hydrique.
Mais l’alimentation n’est pas la seule variable à ajuster. Le modèle d’élevage, lui aussi, doit évoluer. Longtemps tourné vers des races importées plus productives mais moins adaptées au climat, le pays redécouvre les vertus de son patrimoine génétique. « Les races locales ont été négligées. Aujourd’hui, seule la Oulmès-Zaer subsiste encore », regrette le docteur Ahmed Aittaleb, directeur de la fédération nationale des éleveurs de cette race.
Le ministère de l’Agriculture mise désormais sur cette race rustique pour relancer la filière. Un programme dédié prévoit de doubler le cheptel Oulmès-Zaer d’ici 2030. Ces bovins sont réputés pour leur robustesse : en période de sécheresse, ils résistent en réduisant leur gabarit, pour regagner du poids dès les premières pluies. « C’est comme un accordéon », illustre un éleveur.
Pour soutenir cette transition, les autorités ont débloqué un plan de soutien de près de 600 millions d’euros. Cette enveloppe, répartie sur deux ans, sera consacrée en grande partie à des aides directes aux éleveurs, afin de faciliter la reconstitution du cheptel et d’accompagner le changement de pratiques.
Avec rfi.fr