Mettre en place une culture de la Qualité dans une clinique: Mission impossible?

Par Dr Redwan FREJ, Directeur des Polycliniques ADDAMAN

Qualité des soins : sortir de la « qualité papier » pour bâtir une culture vivante

Dans un paysage sanitaire marocain en pleine mutation, la qualité des soins s’impose comme un enjeu central. Les patients sont de plus en plus exigeants, les réformes s’accélèrent, les attentes des tutelles évoluent. Pourtant, dans la pratique quotidienne des établissements de santé privés, faire de la qualité une priorité partagée et durable reste un défi.

Il est souvent constaté que passer d’une démarche qualité formelle à une culture vivante et intégrée n’allait pas de soi. Et pourtant, cette transformation est essentielle — non pour cocher des cases, mais pour améliorer réellement l’expérience des patients et les conditions de travail des équipes.

De quoi parle-t-on quand on parle de « qualité » ?

En milieu hospitalier, la qualité ne se limite pas à l’excellence médicale. Elle englobe un ensemble de dimensions interdépendantes, qui influencent directement ou indirectement l’expérience et la sécurité du patient. Il s’agit notamment :

Autrement dit, la qualité n’est pas l’affaire d’un seul service. Elle est transversale et repose sur une culture partagée entre soignants, administratifs, techniciens, direction… et patients eux-mêmes.

Une dynamique bien amorcée, mais encore fragile

Dans nombre de cliniques marocaines, des efforts réels sont engagés : procédures mises en place, comités qualité créés, audits réalisés, enquêtes de satisfaction diffusées. Mais ces démarches, parfois bien conçues, peinent à s’ancrer durablement. Pourquoi ?

Souvent, l’adhésion des équipes fait défaut. Cela ne traduit pas un rejet de principe, mais plutôt un décalage entre les exigences qualité et la réalité du terrain : charge de travail élevée, manque de temps, rotation du personnel, complexité administrative…

La qualité peut alors être perçue comme une tâche en plus, déconnectée du soin réel, ou comme une série d’approches trop normatives, sans adaptation au contexte local, générant lassitude ou résistance passive. Il faut savoir entendre ces signaux pour mieux construire.

Sortir de la « qualité papier »

Trop souvent, la qualité est associée à des documents, des tableaux, des procédures à archiver. Or, une culture qualité vivante ne peut se résumer à un classeur.

Elle se manifeste quand :

Cela suppose de passer d’une logique de conformité à une logique d’engagement. Et cette bascule, bien que subtile, change tout.

Quatre leviers concrets, accessibles et réalistes

L’expérience du terrain montre que plusieurs pistes ont prouvé leur efficacité :

1. Des formations ciblées et participatives
Courtes, pratiques, intégrées dans le temps de travail, elles abordent des situations concrètes : gérer un patient insatisfait, signaler un événement indésirable, harmoniser les pratiques, partager les bonnes idées. Loin des formats académiques, ces modules suscitent l’adhésion.

2. Des référents qualité dans chaque unité
Infirmier(ère), médecin, agent d’accueil… Ces référents de proximité, bien formés, créent un lien entre la direction qualité et les équipes, tout en restant ancrés dans la réalité du terrain.

3. Valoriser les retours d’expérience
Chaque incident, même mineur, peut devenir une source d’apprentissage collectif s’il est traité sans blâme. Ce climat de confiance est essentiel pour progresser sereinement.

4. Des indicateurs simples et visibles
Retards de consultation, délais de prise en charge, réponses aux réclamations… Ces indicateurs, suivis et partagés, créent une dynamique positive, voire une saine émulation entre services.

Une ambition réaliste, si elle est collective

Dans un secteur aussi exigeant que le nôtre, il serait irréaliste de prétendre tout transformer rapidement. Mais il est tout à fait possible d’avancer pas à pas, avec constance et pragmatisme.

La qualité ne se décrète pas. Elle se construit, s’entretient, se partage. Elle suppose une vision claire, une implication des équipes, un management cohérent… et surtout, une écoute du terrain.

Ce qu’il faut viser, ce n’est pas un label à afficher, mais une amélioration continue des pratiques, au bénéfice des patients comme des professionnels.

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