Lactalis : l’ogre du lait au cœur d’un débat sur le modèle laitier français

Cinq ans après les premières révélations sur la pollution industrielle de ses sites, Lactalis reste au centre des controverses environnementales. Le groupe laitier le plus puissant du monde continue de dépasser les seuils légaux de rejets toxiques, relançant le débat sur la responsabilité écologique et économique de la filière laitière française.

Cinq ans après l’enquête de Disclose révélant les déversements illégaux d’effluents dans les cours d’eau français, treize laiteries du groupe Lactalis demeurent en infraction avec la loi. Ces manquements, confirmés par 70 rapports d’inspection de la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), concernent des rejets de phosphore, d’azote, de soude ou encore de zinc, substances responsables d’une pollution chronique des rivières et de la dégradation des écosystèmes aquatiques.

Parmi les sites les plus problématiques figure la fromagerie de Lons-le-Saunier, dans le Jura. Spécialisée dans la production de fromage fondu à bas coût, elle expédie chaque jour près de 6,5 millions de portions sous la marque Président. Mais selon les inspecteurs de la DREAL, les rejets du site dépassent régulièrement les seuils légaux, saturant les stations d’épuration locales. Les teneurs en phosphore y sont six fois supérieures à la norme, celles en zinc huit fois plus élevées.

Malgré le classement du site en « vigilance renforcée » par le ministère de la Transition écologique en 2021, peu de progrès concrets ont été observés. Le dispositif censé contraindre les exploitants à se conformer rapidement aux standards environnementaux semble avoir perdu toute efficacité face à un acteur aussi puissant que Lactalis.

Au-delà de la seule responsabilité de Lactalis, cette affaire relance le débat sur le modèle laitier français, dominé par quelques grands groupes industriels concentrant la majorité des volumes de collecte et de transformation. Le secteur, qui représente plus de 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, repose sur un équilibre fragile entre rentabilité, pression sur les éleveurs et exigences environnementales croissantes.

Les associations environnementales, telles que France Nature Environnement, pointent du doigt une logique productiviste incompatible avec la transition écologique. Elles dénoncent des pratiques qui privilégient les rendements au détriment de la qualité des sols et de l’eau.

De leur côté, les syndicats d’agriculteurs rappellent la dépendance structurelle de milliers de producteurs à ces géants de l’agroalimentaire. Beaucoup estiment ne pas disposer des moyens économiques pour opérer la transition vers un modèle plus durable, notamment face à la volatilité des prix du lait.

source (disclose)

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