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En France, l’Etat veut liquider le magazine 60 Millions de Consommateurs

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Les sénateurs ont entériné, le 13 décembre, la disparition de l’Institut national de la consommation (INC), marquant la fin programmée d’un établissement public historique dédié à l’information et à la défense des consommateurs. Cette décision intervient près d’un an après l’annonce par l’exécutif de sa volonté de trouver un repreneur pour le magazine 60 Millions de consommateurs, principal média porté par l’institution.

Créé en 1966, l’INC avait pour mission d’appuyer les organisations de consommateurs dans leurs relations avec les acteurs du commerce et de fournir une information indépendante au grand public. En 1990, l’Institut avait acquis le statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC), renforçant son rôle de contre-pouvoir face aux pratiques commerciales abusives.

Une fragilisation financière progressive

La disparition de l’INC s’inscrit dans un processus de fragilisation financière amorcé depuis plus d’une décennie. Les subventions publiques allouées à l’Institut sont passées de 3,8 millions d’euros en 2012 à 1,8 million d’euros en 2020. Cette contraction budgétaire a fortement limité sa capacité d’investissement, notamment dans la transition numérique, à un moment où la presse papier traversait une crise structurelle profonde.

Aujourd’hui, la structure emploie environ 60 salariés, dont une vingtaine de journalistes. La liquidation de l’INC est programmée pour mars prochain. L’avenir de 60 Millions de consommateurs reste incertain, même si l’association UFC-Que Choisir aurait manifesté son intérêt pour une reprise du titre. Cette organisation privée, forte d’un réseau de 130 associations locales animées par des bénévoles, mène une activité de défense des consommateurs souvent comparée à celle historiquement exercée par l’INC.

Une décision vivement contestée

L’annonce de la fin de l’Institut national de la consommation a suscité de nombreuses réactions. Dans une tribune collective publiée par Le Monde, près de 200 personnalités, élus et acteurs de la société civile ont dénoncé une décision jugée en décalage avec les enjeux économiques et commerciaux actuels.

« À une époque où quelques géants du commerce mondial entendent imposer la loi de la jungle, il n’est pas trop tard pour revenir à la raison », écrivent les signataires. « Détruire un contre-pouvoir, c’est fragiliser la démocratie », ajoutent-ils, rappelant que 60 Millions de consommateurs incarne « un demi-siècle de combats » en faveur d’un citoyen informé et capable d’agir.

Un rôle central dans de nombreuses révélations

Au fil des décennies, 60 Millions de consommateurs s’est imposé comme une référence en matière d’enquêtes indépendantes. Le magazine est à l’origine de plusieurs scandales ayant alimenté le débat public, notamment sur les pratiques abusives de certains syndics immobiliers, la présence de pesticides dans les couches pour bébés, ou encore les conditions sanitaires dans les maisons de retraite et les services d’urgences hospitaliers.

Dans le domaine de la consommation courante, les enquêtes ont régulièrement mis en cause des produits jugés dangereux ou trompeurs : sièges auto pour enfants, produits alimentaires, équipements sportifs ou textiles. Dans la cosmétique, l’INC a alerté sur la présence d’allergènes, de perturbateurs endocriniens et de substances controversées dans des shampoings, crèmes solaires, déodorants ou lingettes, remettant en question les promesses marketing de grandes marques.

Commerce en ligne et nouvelles pratiques à risque

Depuis près de dix ans, 60 Millions de consommateurs s’est également distingué par ses alertes répétées sur les dérives du commerce en ligne. Le magazine a pointé la montée en puissance du dropshipping, qui conduit des consommateurs à acheter à prix élevé des produits de faible qualité importés, souvent sans en avoir conscience. Il a aussi dénoncé les « dark patterns », ces interfaces numériques conçues pour influencer ou piéger les décisions d’achat.

Les plateformes internationales de fast fashion et de e-commerce, telles que Shein ou Temu, ont fait l’objet de plusieurs enquêtes, portant aussi bien sur la sécurité des produits que sur l’exploitation des données personnelles. À l’heure où la France et l’Union européenne tentent de renforcer leur arsenal réglementaire face à ces géants, la disparition de l’INC apparaît, pour certains observateurs, comme paradoxale.

Un symbole en débat

Au-delà de la question institutionnelle, la fin de l’Institut national de la consommation pose celle du rôle de l’État dans la protection des consommateurs. Pour ses défenseurs, l’INC incarnait un outil public indispensable de régulation et d’information indépendante, dans un environnement commercial de plus en plus complexe et mondialisé.

Si la reprise de 60 Millions de consommateurs devait se concrétiser, elle ne dissiperait pas totalement les interrogations soulevées par la disparition de l’Institut. C’est bien la place accordée au contre-pouvoir consommateur dans l’architecture publique française qui se retrouve, désormais, au cœur du débat.

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