Page 4 - Consonews Juin 2025
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ÉDITO                                                         Directeur de Publication
                                                                                NABIL TAOUFIK

                                                                        [email protected]










                Redonnons sa place à la viande oubliée :


             Pour une assiette marocaine plus résiliente




                   u Maroc, la consommation de viande repose  modernité  et patrimoine,  innovation et terroir.
                   sur  un carré  classique  :  poulet,  dinde,
            A bœuf, agneau. Cette habitude, qui semble  Consonews,  en tant  que  média  de  défense  du
            aller de soi, est en réalité le produit d’un système  consommateur,  mais  aussi  de  sensibilisation à
            agroalimentaire  construit par  les  politiques  une consommation  plus responsable,  ne  peut
            agricoles,  les  contraintes économiques  et les  que plaider  en faveur  d’une telle évolution. Car
            normes de consommation modernes. Ce modèle,  consommer  autrement,  c’est  aussi  consommer
            pourtant,  montre  ses  limites  :  flambée  des  prix,  mieux.  Mieux  pour  sa  santé,  mieux  pour
            dépendance  croissante  aux  importations,  stress  l’économie nationale, mieux pour l’environnement.
            hydrique, impact environnemental. À l’heure où l’on
            parle de souveraineté alimentaire et de durabilité, il  Mais cela ne se fera pas sans volonté politique ni
            devient urgent de penser autrement notre assiette.  sans stratégie de communication. Les filières des
                                                              viandes alternatives ont besoin d’être structurées,
            Le  Maroc  regorge  de  ressources  animales  soutenues, encadrées. Elles ont besoin de visibilité,
            sous-exploitées,  aux  qualités  nutritionnelles  et  de  statistiques,  de  normes  de  qualité. Les  chefs
            écologiques remarquables : viande de chèvre, de  cuisiniers,  pionniers  dans  cette  redécouverte,
            lapin, de  chameau,  d’autruche,  de  pigeon…  Ces  ne peuvent porter  seuls  cette transformation.  Il
            viandes  dites  «oubliées»  ou  «alternatives»  ont  faut une mobilisation conjointe :  des  autorités
            longtemps fait partie de notre héritage culinaire.  publiques, des acteurs économiques, des médias,
            Aujourd’hui,  elles  sont  marginalisées,  invisibles  mais aussi et  surtout… des  consommateurs.
            dans  les  statistiques  officielles  et  absentes  des
            rayons des supermarchés. Pourtant, leur potentiel  Car en fin de compte, le changement commence
            est immense  : elles sont souvent plus maigres,  dans  nos  choix  quotidiens.  Oser  cuisiner  du
            riches  en protéines  et adaptées  à  des  élevages  lapin à la place du poulet. Redécouvrir le goût du
            extensifs  à  faible  impact  environnemental.  chevreau.  S’intéresser  à  la  viande  de  chameau.
                                                              Ce  sont des gestes  simples,  mais  puissants.
            La réintroduction de ces viandes dans le paysage  Des  gestes  qui peuvent  faire  bouger  les  lignes.
            alimentaire  marocain  n’est pas  un caprice
            gastronomique,  c’est une réponse  pragmatique  L’avenir de  l’alimentation  marocaine  ne doit
            à des enjeux structurels. Une diversification de la  pas  se  résumer  à  plus  d’industrialisation,  plus
            consommation permettrait de renforcer la résilience  d’uniformisation,  plus d’importations.  Il  peut
            alimentaire  du  pays,  de  valoriser  des  filières  aussi  être  fait de  diversité,  d’intelligence  locale,
            locales  et rurales,  de  limiter  notre vulnérabilité  de respect de nos ressources et de nos traditions.
            face  aux  crises  climatiques  et  aux  marchés  À condition de ne pas oublier ce que nous avons
            mondiaux.  C’est  aussi  une  façon  de  réconcilier  de plus précieux : notre patrimoine vivant.
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