Le sel occupe une place paradoxale dans notre alimentation : indispensable au bon fonctionnement de l’organisme, il devient un risque majeur lorsqu’il est consommé en excès. Mais un courant scientifique met désormais en garde contre l’extrême inverse : une alimentation trop pauvre en sel pourrait, elle aussi, nuire à la santé.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’apport recommandé ne doit pas dépasser 5 g de sel par jour (l’équivalent d’une cuillère à café). Or, la consommation mondiale moyenne tourne autour de 10 g, soit le double. Cet excès est directement lié à une hausse de la tension artérielle, augmentant fortement le risque d’accidents vasculaires cérébraux et de maladies cardiaques. L’OMS estime ainsi que près de 1,9 million de décès par an sont imputables à un excès de sodium.
Mais la question se complexifie lorsque l’on observe certaines études récentes. Plusieurs travaux suggèrent que réduire drastiquement le sel en dessous de 5 à 6 g par jour pourrait également entraîner des effets indésirables, notamment un risque accru de troubles cardiovasculaires. Les chercheurs parlent d’une courbe en U, où la consommation optimale se situerait entre 6 et 12 g par jour.
Les données issues du Japon et de la Finlande illustrent toutefois qu’une réduction progressive du sel au niveau national peut être bénéfique. Dans les deux pays, une politique de santé publique volontariste a permis de diminuer la consommation de plusieurs grammes, entraînant en parallèle une forte baisse de la mortalité par AVC et maladies cardiaques.
La difficulté réside aussi dans l’évaluation des apports : seule une faible partie du sel provient de ce que nous ajoutons à table. La majorité se cache dans les aliments transformés — pains, charcuteries, soupes, sauces ou snacks. Pour le consommateur, lire les étiquettes reste un défi, d’autant que la teneur en sodium est souvent mentionnée sans conversion claire en équivalent sel.
Les experts ne sont toutefois pas unanimes. Certains estiment que les études montrant un risque lié à un faible apport reposent sur des méthodologies discutables, ou concernent des populations déjà fragilisées. Pour eux, la priorité reste de réduire la consommation excessive, largement répandue dans le monde.
En somme, le sel illustre parfaitement l’adage selon lequel « c’est la dose qui fait le poison ». Ni trop, ni trop peu : trouver le juste milieu reste l’enjeu majeur, et cela passe autant par des choix individuels que par une reformulation des produits alimentaires à l’échelle de l’industrie.
Source BBC