Page 16 - consonews magazine Mars 2021
P. 16
DOSSIER
relevant du ministère de la santé, respecté par les agriculteurs notam- sement, nous avons remarqué lors de
prévient que le risque est avéré ment les producteurs de la pomme notre enquête que certains agricul-
lorsque plusieurs aliments de terre par exemple. Il varie entre 2 teurs interceptent les eaux usées en
contiennent des résidus qui dépassent à 5 jours. Seuls 20% d’entre eux ont installant des et les utilisent pour
les doses limites. « Les substances respecté un délai de 15 jours avant l’irrigation des produits qu’on
chimiques additionnées les unes aux récolte. «les résultats sont valables retrouve au niveau du marché »,
autres pourraient engendrer des pour la majorité des régions agricoles déplore t-il. Même son de cloche de
effets néfastes sur la santé surtout que au Maroc », assure Chafi. la part de Naima Rhalem qui évoque
plusieurs pesticides sont considérés Pour Bouazza Kherrati, la négligence la problématique du passage des pes-
comme des perturbateurs hormo- de ce facteur délai peut être expliquée ticides au niveau de la nappe phréa-
naux, d’autres sont cancérigènes, par l’ignorance de la nécessité de se tique et la possibilité de consommer
certains peuvent même entrainer la plier aux instructions prescrites, et l’eau contaminée des puits et l’utiliser
transformation du sexe du bébé chez aussi par la volonté d’écouler rapide- pour l’irrigation. Pour limiter les
la femme enceinte…», explique t-elle. ment les produits, surtout en cas de risques, les différents intervenants
hausse de prix sur le marché. Pire sollicités par Consonews pour la pré-
DÉLAI DE SÉCURITÉ NON encore, Chafi révèle qu’en plus de ce paration de ce dossier sont unanimes
RESPECTÉ délai non respecté, beaucoup d’agri- : une éducation à la sécurité des pes-
Avant la récolte, les agriculteurs sont culteurs utilisent les eaux usées ticides est nécessaire pour induire un
tenus de respecter un délai de réma- brutes pour l’irrigation. «Ces eaux comportement protecteur chez les
nence. Or, d’après Chafi , dans la doivent normalement être traitées agriculteurs et empêcher le résidu de
région de l’Oriental par exemple, ce au niveau d’une station d‘épuration pesticides dans les denrées alimen-
délai de sécurité n’est pas toujours avant utilisation. Mais, malheureu- taires.
LES AGRICULTEURS, PREMIÈRE LIGNE DE DÉFENSE
Former les agriculteurs au bon usage des pesticides semblent être l’une des mesures les plus
indispensables à adopter pour enclencher une protection du consommateur final contre les
pesticides. Cette urgence est d’autant plus justifiée que nombre d’entre eux semblent un comporte-
ment ambivalent à l’égard de ces poisons légaux ! En effet, d’après les résultats de la recherche
effectuée au sein de l’université Mohammed I d’Oujda, «il est plausible d’affirmer que la plupart
des agriculteurs de cette enquête n’accordent pas une grande importance aux facteurs environne-
mentaux et de santé humaine lorsqu’ils appliquent des pesticides». Pour cause, si «la majorité des
agriculteurs de la zone d’étude considèrent les pesticides comme un produit toxique, qui peut avoir
des effets néfastes sur l’environnement et la santé humaine, cela n’a pas eu un impact positif sur
l’usage de pesticides contrairement aux attentes». Autre constat : de nombreux agriculteurs ne
connaissaient pas les pictogrammes standards utilisés sur les étiquettes des pesticides.
Naima Rhalem du centre anti-poison estime que le manque d’information, voire la désinformation,
auxquels s’ajoute le manque de formation sur l’emploi de ces produits (mésusage), sont parmi les
causes principales des problèmes que posent les pesticides au Maroc comme dans la plupart des
pays en voie de développement.Analyse partagée par Kherrati qui affirme que l’utilisation des
produits phytosanitaires nécessite un minimum de connaissances théoriques et pratiques pour
minimiser le risque toxique et écotoxique qui en résulte, non seulement pour les agriculteurs mais
aussi les vendeurs. Ce qui n’est pas toujours le cas.
16 N°21 - MARS 2020- 5 ANNÉE
ÈME