Informel au Maroc : un portrait alarmant dressé par une étude de la BAD
Une enquête récente menée conjointement par le ministère des Finances et la Banque africaine de développement (BAD) apporte un éclairage inédit sur le profil des travailleurs du secteur informel au Maroc. Cette étude, relayée par le quotidien *Al Ahdath Al Maghribia* dans son édition du 20 septembre 2024, met en lumière des données préoccupantes, tant sur le plan éducatif que socio-économique.
Premier constat : le niveau d’éducation des acteurs du secteur informel reste extrêmement bas. Moins de 15 % des entrepreneurs informels possèdent un diplôme universitaire ou de formation professionnelle. À l’opposé, 20 % de ces entrepreneurs n’ont jamais été scolarisés, tandis que 25 % d’entre eux n’ont atteint que le niveau primaire, et 40 % ont un niveau secondaire ou collégial. Cette situation se reflète directement sur leurs compétences entrepreneuriales, créant un manque crucial d’aptitudes nécessaires à une activité économique performante.
Ainsi, beaucoup d’entre eux se retrouvent piégés dans des activités à faible valeur ajoutée et à faible productivité. Ce déficit de compétences contribue à limiter les perspectives de croissance de ces entreprises informelles, accentuant la précarité de leur activité.
L’enquête révèle également une forte proportion de femmes et de jeunes parmi les travailleurs du secteur informel. Les femmes, souvent engagées dans des activités à faible productivité, généralement réalisées à domicile, sont surreprésentées dans l’informalité. Ce phénomène s’explique en partie par les difficultés rencontrées pour accéder au marché formel, ainsi que par la nature des emplois disponibles pour cette catégorie.
Par ailleurs, l’étude met en avant une corrélation entre l’âge des entrepreneurs et la probabilité de formalisation de leurs entreprises. Chaque année supplémentaire d’âge augmente de 2,5 % les chances pour un entrepreneur d’opérer dans le secteur formel. Ainsi, un entrepreneur de 35 ans a 28 % plus de chances d’avoir une entreprise formelle qu’un jeune entrepreneur de 25 ans. Ce constat souligne les obstacles supplémentaires auxquels sont confrontés les jeunes dans leur transition vers la formalité, renforçant ainsi leur ancrage dans l’économie informelle.
L’informalité est également plus prononcée dans les zones rurales et dans le secteur du commerce. Ces régions et secteurs, souvent moins structurés et moins régulés, offrent un terrain fertile pour le développement d’activités non déclarées, contribuant ainsi à la prolifération du secteur informel dans l’économie marocaine.
Parmi les principaux freins à la formalisation cités par les entrepreneurs, l’impôt sur le revenu (IR) arrive en tête. Près de la moitié des entrepreneurs informels considèrent la fiscalité comme une barrière majeure. À cela s’ajoutent l’instabilité économique de leurs activités et les lourdeurs administratives, des obstacles identifiés par plus du tiers des répondants. Enfin, les charges sociales et les réglementations imposées aux entreprises formelles sont perçues comme des contraintes dissuadant les travailleurs informels de régulariser leur activité.
Les conclusions de cette enquête pointent du doigt l’ampleur du secteur informel au Maroc et les défis que cela pose pour le développement économique du pays. Si l’informalité permet à des millions de personnes de subsister, elle freine également la croissance économique en limitant la productivité et en restreignant les opportunités d’investissement et de développement à long terme.
Pour surmonter ce défi, il est crucial de mettre en place des politiques incitatives qui encouragent la formalisation, tout en allégeant les contraintes fiscales et administratives pesant sur les petites entreprises. Cela passe également par une meilleure inclusion des jeunes et des femmes dans l’économie formelle, à travers des programmes de formation adaptés et des initiatives favorisant l’accès à des emplois stables et productifs.