8ème édition du colloque X-Maroc sur le thème « La Recherche & Développement comme levier de croissance »
La 8ème édition du Colloque X-Maroc a été tenue dans l’enceinte du Centre des Congrès de l’Université Mohammed VI des sciences de la santé de Casablanca, le mardi 15 janvier 2019, sur le thème « La recherche & Développement comme levier de croissance ». L’événement a bénéficié de la participation de plus de 500 figures du monde académique, économique et de la recherche.
Le Groupe X-Maroc, abréviation de l’Association marocaine des anciens élèves de l’École Polytechnique Française, a attribué à cette 8ème édition la mission d’identifier les voies que la Recherche & Développement peut emprunter pour mieux positionner l’économie marocaine sur l’échiquier mondial de l’économie du savoir et de l’innovation, et faire du Royaume un hub régional en la matière. L’occasion d’exposer plusieurs success stories d’industriels, d’experts en R&D et de chercheurs dans différents domaines, invités à participer aux 3 tables rondes que le colloque a abritées : « R&D et les entreprises marocaines : une nécessité pour la survie et un déterminant pour la conquête », « Vers un écosystème de R&D vibrant au diapason du savoir et de l’innovation », « Quels leviers pour faire du Maroc un hub régional de la R&D ? ».
La séance d’ouverture a été marquée par la présence du Ministre de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Saaïd Amzazi, du Ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique, Moulay Hafid Elalamy, du Président de l’Ecole polytechnique France, Eric Labaye et du Directeur Général de l’Institut Royal des Études Stratégiques (IRES), Tawfik Mouline. Le bal a été ouvert par une allocution de Khalid Safir, Président du groupe X-Maroc. Il a indiqué que « ce colloque rentre dans le cadre de la contribution de l’association groupe X-Maroc à la réflexion générale lancée par S.M. le Roi Mohammed VI qui souhaite l’élaboration d’un nouveau modèle de développement dans sa globalité – économique, sociale et culturelle ». Et de poursuivre : « Nous nous sommes focalisés, au regard de notre origine académique, sur les aspects scientifiques et plus particulièrement sur comment intégrer le Maroc dans l’économie du savoir et de l’innovation en travaillant sur la Recherche & Développement, une recherche scientifique appliquée qui permettra à nos entreprises d’être plus compétitives ». Aussi, pour M. Safir, il s’agit également d’introduire la R&D dans « la formation dans nos écoles d’ingénieurs et nos universités, ainsi que la mobilisation de notre diaspora de chercheurs à l’étranger en vue de créer, au Maroc, un hub régional de la Recherche & Développement qui puisse attirer des investissements étrangers ». L’objectif étant d’y installer leurs centres de recherches en vue de créer de la valeur et de la croissance pour l’économie marocaine, ainsi que des opportunités d’emploi pour les jeunes diplômés et scientifiques.
« Le Maroc compte 3.500 chercheurs, soit un peu plus de 1.000 par million d’habitants. Les dépenses en recherche et développement ont constitué 0,8% du PIB en 2017. Malgré cela, les budgets alloués à la recherche ne sont pourtant pas consommés dans leur intégralité par les chercheurs à cause de la lenteur et de la complexité des procédures d’engagement des subventions, ainsi que de la rigidité des procédures liées aux appels d’offres », a déclaré Saïd Amzazi, lors de la cérémonie d’ouverture, arguant qu’« un chercheur sur dix soutient sa thèse au bout de 3 ans. Une lenteur due au statut de l’université qui est assujettie à des procédures générant une certaine confusion entre les établissements publics de service et les universités qui produisent de la richesse ».
Pour sa part, Moulay Hafid Elalamy a confié que « si au Maroc le taux des dépenses en R&D est faible comparativement à celui des pays de l’OCDE (2,3% en moyenne), il est cependant en progression par rapport à 2006 (0,34%). Il s’agit désormais de l’accélérer. C’est la raison pour laquelle nous avons poussé autant que possible les opérateurs étrangers à intégrer la composante R&D dans leurs investissements au Maroc ».
Intervenant à son tour lors de cette séance d’ouverture, Eric Labaye, Président de l’Ecole Polytechnique, s’est dit « fier du groupe X-Maroc qui représente la communauté la plus importante de polytechniciens en dehors de la France, une communauté qui continue à porter les valeurs de cette prestigieuse Ecole pour contribuer au développement économique du Royaume ». Pour lui, « la Recherche & Développement est fondamentale pour l’innovation, le développement économique et la compétitivité des entreprises. L’École Polytechnique s’appuie sur trois piliers essentiels pour contribuer au développement de l’innovation : une recherche de pointe, une formation d’excellence ainsi que l’entrepreneuriat ». Pour le Président de l’Ecole Polytechnique, « l’innovation est actuellement importante dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, l’environnement et la transition énergétique, le numérique ainsi que dans le secteur biomédical. Ce colloque permet ainsi un échange de perspectives sur les approches à adopter pour renforcer la recherche, accélérer le développement en lien avec les entreprises et relever les défis de la formation des ingénieurs de demain».
Tawfik Mouline, Directeur Général de l’Institut Royal des Études Stratégiques (IRES), a, quant à lui, insisté sur le fait que le Royaume du Maroc dispose aujourd’hui d’îlots d’excellence (expériences réussies en matière de recherche et de développement comme la recherche agronomique, le recyclage des déchets miniers…) pour créer un écosystème de recherche & développement, composé d’universitaires, des entreprises et des centres de recherches qu’il va falloir formaliser au Maroc sous forme d’un hub régional. « Ce hub régional devra pouvoir travailler pour le Maroc, mais aussi pour l’Afrique et même l’Europe. La R&D est très importante pour l’avenir du Maroc, pour la complexité de son économie et pour le bien-être de ses citoyens », a-t-il déclaré.
Lors de la 1ère table ronde, sur thème de « La Recherche & Développement et les entreprises marocaines : une nécessité pour la survie et un déterminant pour la conquête », Rabah Arezki, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, a fait remarquer que la R&D soutient l’innovation. Il a ainsi attiré l’attention de l’audience sur « la nécessité d’une promotion au Maroc d’une régulation qui encourage la compétition et une fiscalité qui incite à l’innovation, avec pour objectif une intégration économique nord-sud et avec le reste des pays de la région MENA ». Il a ajouté que « le Maroc a fait des avancées notables en matière d’infrastructures (ports, routes…). Le pays a désormais besoin de solidifier cette intégration de l’intérieur, notamment dans les zones isolées et reculées. L’opportunité du digital permet de casser cette stagnation économique, aggravée par le manque d’adoption rapide des technologies ». Concernant les secteurs de l’ancienne économie, (eau-électricité, transport…), M. Arezki a expliqué qu’il faudrait « oser la transformation vers l’économie digitale et la transition énergétique à travers la décarbonisation. Cette transformation vers l’économie digitale et l’économie des services peut stimuler un tissu de PME et de start-ups. Le Maroc est très en avance sur cette question de décarbonisation. Mais il faut que les services publics deviennent de nouveaux Google dans leurs secteurs respectifs. On ressent la nécessité d’une politique de concurrence et de digitalisation des services et des services publics. L’innovation, c’est aussi une question d’égalité des opportunités ».
Pour sa part, Ismail Akalay, ancien Directeur Général de Managem, a partagé l’expérience dont il a été témoin dans le domaine de la valorisation des déchets miniers, notamment le cobalt à travers un procédé qui permet de valoriser ce dernier. « Il a fallu 7 ans de travail pour mettre au point une batterie lithium qui ne chauffe pas, objet d’un brevet d’invention international. Grâce aux travaux de ses centres de recherche, Managem est aujourd’hui le leader mondial dans le traitement des déchets miniers », a-t-il soutenu avec fierté.
Le cas du succès de Nadorcott, la mandarine marocaine de qualité dont la production s’étale de janvier à avril, a également été évoqué. Mise au point par un chercheur de l’INRA en collaboration avec les Domaines Agricoles, cette mandarine n’a pas manqué d’attirer l’attention des participants. Badr Bennis, DGA des Domaines Agricoles, a confié que « l’innovation est la seule composante à l’origine de ce succès. Et il reste encore énormément d’opportunités d’innovation à expérimenter et à exploiter ».
Au terme de la 1ère table-ronde, les membres du bureau de l’association groupe X-Maroc ont procédé à la remise des prix X-Maroc de la R&D aux quatre équipes de l’Université Hassan II, de l’Université Mohammed VI des sciences de la Santé, du centre MAScIR et de l’ENSEM, qui ont développé quatre projets innovants issus de la recherche. L’Université Hassan II, représentée par le Professeur Ramdani, a présenté le projet « Moroccan Wearable Artificial Kidney (Morwak) ». Ce projet consiste en la mise en place d’un système de dialyse portable capable de répondre efficacement à la problématique d’insuffisance rénale chronique chez les patients tout en préservant leur liberté de mouvement et en améliorant leur pronostic à long terme. Il s’agit de la 1ère unité de recherche associant médecins et ingénieurs biomédicaux ainsi qu’un enseignant du secondaire.
L’équipe de l’Université Mohammed VI des sciences de la Santé, représentée par le Professeur Sanaa Belabbes, a présenté le projet QuaRiPe, développé dans le cadre de l’Ecole internationale de santé publique. Celui-ci vise à concevoir, développer et tester un modèle intégré de pilotage des risques en milieu hospitalier qui intègre quatre ingénieries : Risque, Qualité, Performance et IOT.
L’exemple donné a été celui du processus transfusionnel : un monitoring en temps réel de la chaîne du froid et de la géolocalisation des poches de sang.
L’ENSEM (L’École nationale supérieure d’électricité et de mécanique), représentée par le Professeur Medromi, a présenté le projet Smart parking, un projet de parking intelligent distribué en temps réel, dans le cadre de l’initiative Smart Cities. Le projet a été réalisé par une équipe de la Fondation de recherche, de développement et d’innovation en sciences et ingénierie, créée en 2016, et qui se spécialise dans la réalisation de drones et de robots mobiles et humanoïdes, en partenariat avec des industriels nationaux et internationaux. La Fondation MAScIR, représentée par François Bourzeix, a présenté le projet RDT ADM-MAScIR, un système de recueil des donnés du trafic. Il s’agit d’un logiciel de recueil des donnés du trafic à partir de données fournies par des caméras spécialement développées en partenariat avec la société Autoroutes du Maroc (ADM). Le logiciel permet également la classification des véhicules jour et nuit. Le projet a abouti à deux brevets, national et international. Un prototype de cette technologie marocaine est déjà installé sur l’axe Rabat-Kénitra, en amont de la sortie de Sidi Bouknadel. L’équipe à l’origine de cette solution technologique cherche actuellement des industriels afin de les assister dans leur projet d’installation de ces dispositifs à grande échelle.
Le Professeur Omar Fassi-Fehri, Membre de la commission permanente de la recherche scientifique et technique et de l’innovation, Secrétaire perpétuel de l’Académie Hassan II des Sciences et Techniques, a ouvert la deuxième table ronde du colloque sur un état des lieux. L’intervenant a pointé du doigt la 51ème position du Maroc en matière d’investissement dans la Recherche & Développement. Loin d’être à la tête du peloton (position dont jouit le quatuor Etats-Unis, Chine, Japon et Allemagne), cette position devrait interpeler les politiques actuelles. Celles-ci devraient miser sur le développement de la recherche scientifique d’abord académique et puis technique. Et M. Omar Fassi-Fehri a ensuite illustré son propos par des données chiffrées comparatives. Ainsi, seulement 237 brevets ont été déposés en 2016, universités et entreprises marocaines confondues. Ce chiffre reste très moyen comparé à d’autres pays. Afin d’y remédier, l’intervenant recommande la refonte du système éducatif, gage de développement d’une société. Dans cette perspective, Omar Fassi-Fehri persiste et signe « Dans toute activité scientifique d’enseignement et/ou de recherche le rôle de l’enseignant chercheur est essentiel ; de par sa nature il est déjà difficile mais aussi parce qu’il est difficile à réformer et à faire évoluer ». Par ailleurs, faire du Maroc un producteur de technologies ne serait pas envisageable, selon le professeur, sans un rapprochement de deux écosystèmes complémentaires à savoir l’académique et l’industriel. « Si grâce à la science on parvient à la connaissance qui permet de décrire, d’expliquer et de prédire les phénomènes naturels, la technologie quant à elle est une activité de transformation et de fabrication avec pour but de produire un produit matériel ou immatériel » insiste M.Fassi-Fehri.
Ouvrant la 3ème table ronde, l’intervention de M.Dominique Guellec, chef de la division des Politiques de Science et de Technologie à l’OCDE, a analysé la recherche et l’innovation à l’ère du digital. Pour l’expert, l’innovation fait partie d’abord d’un paradigme plus grand. De ce fait elle ne se conçoit pas comme une entité isolée mais reste inextricablement liée à des aspects socio-économiques et politiques. L’innovation est ainsi conçue dans le cadre d’une stratégie nationale. Cette dernière « repose largement sur la digitalisation des produits, des processus » avance Guellec. Tirée par les champions mondiaux, la digitalisation selon l’analyste de l’OCDE ne doit plus être l’apanage des multinationales, mais être portée par des entreprises à taille humaine en l’occurrence des PME qui composent majoritairement le tissu économique des pays émergents. Il donne en guise d’exemple des données non transférables d’un pays et les données gouvernementales comme une matière première à exploiter par les PME pour développer des solutions innovantes et digitalisées.
A l’issue des trois tables-rondes, Othman El Ferdaous, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie Numérique, chargé de l’investissement, a fait le constat selon lequel « le secteur privé participe faiblement à la recherche scientifique ». Pour y remédier, ce dernier a proposé d’introduire un dispositif de soutien à la recherche et à l’innovation dans la nouvelle charte de l’investissement, actuellement mise sur le circuit législatif par le Ministre de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie Numérique.
En clôture, le Président du groupe X-Maroc, Khalid Safir a remercié les participants et les intervenants et a promis la publication d’un livre blanc regroupant l’ensemble des recommandations émises par les conviés, et ce dans le cadre d’une cérémonie qui sera tenue prochainement.