La BCE se donne deux ans pour plancher sur l’euro numérique
Le projet de monnaie électronique officielle de la zone euro entre dans une phase cruciale. Au terme de celle-ci, ses contours devraient enfin être précisés.
L’Euro numérique se précise. Mercredi, la Banque centrale européenne (BCE) a lancé la première étape officielle de ce projet, qui devrait aboutir à la création d’un équivalent électronique des pièces et billets de la zone euro. « Le conseil des gouverneurs (organe décisionnel de la BCE, NDLR) a décidé aujourd’hui de lancer la phase d’investigation d’un projet d’euro numérique », indique l’institution européenne dans un communiqué.
À ce stade, la future devise électronique officielle pose toutefois encore beaucoup de questions.
1. En quoi consistera l’euro numérique?
« Un euro numérique serait l’équivalent des billets en euros, mais sous forme dématérialisée », indique la BCE sur son site dédié à la devise électronique. Les consommateurs utilisent déjà de la monnaie électronique quand ils réalisent des virements via internet ou quand ils paient par carte bancaire ou à l’aide d’une application sur smartphone. Mais cette monnaie électronique est étroitement liée aux banques commerciales: tout passe par des comptes bancaires dont les conditions (taux d’intérêt, frais, etc.) sont fixées par ces banques.
L’euro numérique permettrait à chaque citoyen européen de détenir de la monnaie électronique directement auprès de la Banque centrale européenne, à l’instar des pièces et des billets qui sont émis par la BCE: les banques commerciales assurent la distribution de ces instruments de paiement, mais n’ont pas de prise sur eux une fois qu’ils sont en circulation.
2. Quel rôle pour les banques?
Le lancement d’un euro numérique pourrait poser problème au secteur bancaire. Si cette devise électronique avait vu le jour avant la crise bancaire de 2008, on aurait vraisemblablement assisté à une fuite des capitaux des banques commerciales en difficulté vers l’euro numérique directement détenu auprès de la BCE. Celle-ci, qui a pour mission d’assurer la stabilité financière, envisage donc de limiter la quantité d’euros numériques qu’un consommateur européen pourrait détenir.
Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, a évoqué un montant de 3.000 euros maximum par Européen. Cela limiterait la masse monétaire totale éligible à l’euro numérique à environ 1.000 milliards d’euros, compte tenu de la population de la zone euro de 340 millions de personnes. Ce montant fait écho aux 1.200 milliards d’euros de billets en euro en circulation.
En outre, la BCE ne compte pas ouvrir des comptes à tous ces particuliers: elle entend bien utiliser le canal bancaire pour distribuer l’euro numérique, comme pour les pièces et billets.
3. Confidentialité versus lutte contre le blanchiment
L’enquête menée l’automne dernier par la BCE montre un fort attachement des consommateurs à une garantie d’anonymat dans l’utilisation d’un euro numérique, tout comme c’est le cas avec les espèces. Mais la BCE souhaite des garde-fous pour éviter que la monnaie électronique officielle puisse être utilisée à des fins criminelles. L’équation sera difficile à résoudre.
Même si l’euro numérique pouvait être utilisé hors ligne, il faudrait qu’il soit régulièrement vérifié via une connexion à un système de contrôle pour éviter toute contrefaçon. Une solution serait d’autoriser que certaines transactions puissent être exécutées sans enregistrement de celui qui paie et de celui qui reçoit le paiement.
4. Quand?
La phase d’investigation lancée ce mercredi doit durer deux ans, annonce la BCE. Mais cela ne veut pas dire que l’euro numérique verra le jour après ce délai, ni même que sa future naissance est garantie. « La décision d’émettre ou non un euro numérique ne sera prise que plus tard », souligne Fabio Panetta, dans une note sur le blog de la BCE. Récemment, Christine Lagarde avait évoqué un aboutissement vers 2025.
Le résumé
- La BCE a lancé officiellement la phase d’investigation sur un futur euro numérique, après avoir mené une vaste enquête publique et des essais pratiques.
- L’euro numérique serait l’équivalent électronique des pièces et des billets en circulation dans la zone euro.
- Les consommateurs tiennent beaucoup à l’anonymat des transactions mais la BCE veut éviter que l’euro numérique puisse servir à des activités criminelles.
- Les travaux de la BCE prendront deux ans, au terme desquels l’institution décidera d’émettre ou non sa devise électronique. Si c’est le cas, cela pourrait être vers 2025.