Viande rouge, 13 milliards de dirhams évaporés sans effet sur les prix

Alors que le débat s’enflamme autour des subventions consacrées à la filière des viandes rouges, une réalité s’impose : 13 milliards de dirhams de soutien public ont été injectés dans le secteur sans pour autant réussir à stabiliser les prix. C’est ce qu’a confirmé le ministère de l’Économie et des Finances, mettant fin aux spéculations et aux versions contradictoires des responsables politiques.
Dans un contexte de flambée des prix alimentaires et à l’approche des fêtes religieuses, l’État a multiplié les efforts pour contenir la crise : exonération de TVA, suspension des droits de douane, subventions directes… Pourtant, l’impact sur les prix à la consommation reste marginal, voire invisible, selon plusieurs observateurs.
Un soutien massif mais inégalement distribué
Entre février 2023 et octobre 2024, l’État a pris en charge 5 milliards de dirhams pour les importations de moutons – dont 4 milliards d’exonérations douanières et 1 milliard de TVA – pour un total de 1,1 million de têtes importées par 144 bénéficiaires. Du côté des bovins, 218.000 têtes ont été importées pour un coût de près de 4 milliards de dirhams, mobilisant 133 importateurs, sélectionnés parmi plus de 1.000 demandeurs.
Malgré l’ouverture théorique de l’opération à tous les opérateurs répondant aux critères fixés, les chiffres révèlent une concentration marquée des aides sur un nombre restreint d’acteurs économiques. Une situation qui alimente les soupçons de favoritisme ou d’inefficacité dans la répartition des aides.
Une politique coûteuse… et peu efficace
Le ministère précise que les 13 milliards de dirhams de soutien correspondent principalement à un manque à gagner fiscal pour l’État : 7,3 milliards liés aux exonérations sur les bovins, et 3,8 milliards pour les ovins. À cela s’ajoute une prise en charge directe de 744 millions de dirhams en soutien à l’importation.
Mais au-delà de la comptabilité, le résultat est décevant : les prix de la viande rouge n’ont pas connu de baisse notable, et les tensions sur les marchés, notamment à l’approche de l’Aïd Al Adha, sont demeurées vives. Pour certains, ces milliards « volatilisés » auraient pu être mieux utilisés pour renforcer la filière locale, améliorer la résilience du cheptel national ou encore appuyer les petits éleveurs touchés par la sécheresse.
Un débat politique explosif
La polémique a pris une tournure politique. D’un côté, Rachid Talbi Alami, du RNI, minimise les chiffres et parle de 300 millions de dirhams distribués à une centaine d’entreprises. De l’autre, Nizar Baraka, leader de l’Istiqlal, dénonce 13 milliards versés à seulement 18 importateurs sans impact réel sur les prix. Entre ces déclarations contradictoires, le ministère de l’Économie tranche : le soutien global s’élève bien à 13 milliards.
En somme, cette politique d’importation subventionnée, pensée comme une réponse d’urgence, pose aujourd’hui la question de sa pertinence à long terme. À l’heure où chaque dirham compte, la transparence et l’efficacité des aides publiques sont plus que jamais au cœur du débat.
Avec Al Ahdath Al Maghribia