Immobilier au Maroc : un marché à l’arrêt, des solutions sur la table

Le secteur immobilier marocain traverse une zone de turbulences sévère. Repli des transactions, inadéquation entre l’offre et la demande, blocages réglementaires et désengagement des investisseurs : tous les voyants sont au rouge. Un constat alarmant que dresse Karim Librahimi, professionnel aguerri du domaine, dans une revue publiée par le magazine Challenge.
Un marché figé par l’attentisme
Le premier semestre 2024 s’est soldé par une baisse de 30 % des ventes, reflet d’un marché en panne de confiance. « Il n’y a plus de rythme dans les transactions, la demande est gelée », affirme Librahimi, directeur de l’agence Le Point de Vente à Rabat. Pour lui, la crise actuelle est avant tout structurelle : on continue de construire là où le foncier est disponible, pas là où les familles veulent vivre.
La logique foncière est en décalage total avec les aspirations sociales. Les prix restent élevés dans les centres-villes, tandis que les plans d’aménagement imposent des contraintes lourdes qui repoussent les projets vers les périphéries. Résultat : un habitat mal localisé, souvent inabordable pour les classes moyennes.
Financement difficile, réglementation pesante
La hausse des taux d’intérêt a considérablement restreint la capacité d’emprunt des ménages. De leur côté, les promoteurs doivent avancer les coûts de construction sans pouvoir compter sur les préventes, ce qui bloque les chantiers et fait grimper les prix. « Même les grands groupes sont à l’arrêt », résume Librahimi.
S’ajoute à cela une lourdeur administrative décourageante. Obtenir un permis de construire ou valider un plan peut prendre des mois. Le manque de clarté juridique, notamment autour de la VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) ou de la fiscalité sur les résidences touristiques, accentue la frilosité des investisseurs. « La complexité des règles dissuade les petits promoteurs et refroidit les institutionnels », explique-t-il.
Cette paralysie se répercute sur toute la chaîne : agences immobilières fermées, notaires désœuvrés, projets gelés. Et pour les ménages, c’est une double peine : difficile d’acheter, et toujours plus cher de louer.
Dix propositions pour une relance en profondeur
Face à cette situation, Librahimi ne se contente pas du constat. Il propose un plan de relance en dix points, avec pour piliers :
- La création d’un guichet unique digitalisé pour fluidifier les démarches administratives.
- L’instauration d’un contrat-type encadré pour la VEFA, avec garantie d’achèvement.
- La stabilisation des PLU (plans d’aménagement) pour donner de la visibilité aux promoteurs.
- La mise en place d’un observatoire national des prix, garant d’une meilleure transparence.
- Et la mise en œuvre d’un crédit immobilier encadré par l’État, ciblé sur les classes moyennes.
Librahimi appelle à refonder le secteur immobilier en s’appuyant sur trois axes clés : simplifier l’administration, adapter la réglementation et produire des logements là où se trouve la demande réelle.
Faute de réforme ambitieuse, le marché risque de rester enlisé, au détriment des familles, des investisseurs et de toute une filière économique en quête de relance.
Avec Challenge