Comment la mode vintage réinvente tous les pans du business
Si en 2021 t’as pas lancé ton corner vintage, t’as loupé ta vie ? Ben oui ! Et ce n’est pas un hasard si toutes les marques s’y mettent. Car la seconde main leur offre le plein d’opportunités pour faire plus et mieux, avec ce qu’elles ont déjà en stock.

DISTRIBUTION : ATTIRER LE CHALAND
Eh non ! Il n’y a pas que Vinted dans le vintage. C’est peut-être en ligne que la tendance a explosé, mais elle se développe désormais fort bien bien en boutique. Les magasins physiques surfent sur un atout majeur : chez eux, on peut, notamment, toucher les produits, et s’éviter ainsi de sévères déconvenues. Marques et géants de la distribution ont donc raison de se lancer.
Les hypers et les marques sont dans la course
En 2020, la plus grande surprise de la mode vintage est venue des points de vente du neuf. C’est une PME basque, Patatam, qui a vendu cette idée improbable aux géants de la distribution alimentaire : ouvrir dans leurs allées un corner de récupération et de vente d’habits de seconde main. En février 2020, Auchan lançait la première expérience. Aujourd’hui, 45 magasins du réseau possèdent un espace géré par Patatam, et la cadence est fixée à une vingtaine d’ouvertures par mois. Pour les hypers, l’initiative colle à au moins trois enjeux : d’abord occuper les mètres carrés qu’ils ont sur les bras depuis qu’Internet leur pique de la fréquentation, ensuite attirer et fidéliser une clientèle qui, en échange d’un short ou d’un polo, ne déteste pas recevoir un bon d’achat, et, enfin, pouvoir communiquer sur une action qui ne fait pas trop de mal au climat… Une formule suffisamment gagnante pour convaincre Carrefour, Système U, Leclerc et Cora de se lancer.
PRIX : DU MONT-DE-PIÉTÉ À LA PLACE DE LA BOURSE
Il y a de la débrouille dans l’air. Avec la seconde main, l’acte d’achat reprend des allures de grande foire, où les « gagne-petit prix » côtoient les mini-loups de Wall Street qui boursicotent sur la valeur des baskets. Une opportunité pour les marques de s’amuser à revoir leur politique de prix.
Grosses enchères
Qui veut devenir un bon acheteur de mode vintage se doit d’apprendre à bien revendre. Sotheby’s ne s’y est pas trompé en ouvrant en 2020 The Sneaker’s shop, un site de vente exclusivement dédié à l’un des marchés les plus « bankables » de la mode de seconde main, à savoir les baskets. Ici, on vend aux enchères des modèles rares comme cette paire de Nike Air Jordan VII dédicacée par le sportif himself. Prix de base : 50 000 dollars. Le site en ligne StockX, spécialiste du streetwear, fonctionne quant à lui comme un marché boursier. On y suit la cote d’une planche de skate Supreme, d’une banane Gucci ou de la basket la plus chère du monde : la Nike Air Mag Back to the Future BTTF (pas loin de 50 000 euros aussi). Comme pour les actions, les clients peuvent se constituer un « portefeuille » de produits et suivre l’évolution de sa valeur.
Petits prix
Mais la mode vintage, c’est aussi la fête aux petits prix, et on n’avait pas vu ça depuis les prix uniques des Prisunic des années 1930 ! Les plus malins, pourvu qu’ils aient du temps, peuvent dénicher des articles en parfait état jusqu’à 90 % moins chers que les neufs. Sur le site Once Again, les robes de chez Camaïeu sont à 7 euros, les tops Morgan, à 11, et les jeans Levi’s, à 27. Les plus pressés peuvent acheter au kilo ou par lots.
Et tous les moyens de paiement sont bons…
Question paiement, les marques font preuve de souplesse pour rémunérer les dépôts : espèces, bons d’achat, ou remises à valoir sur les articles neufs… Ces dispositifs façon mont-de-piété sont désormais proposés aussi bien chez les marques premier prix comme Kiabi que chez celles plus chic, comme Cyrillus.
CIRCULAIRE : IL Y A TOUT À FAIRE !
Faire du neuf, toujours du neuf, de plus en plus de neuf. L’idée est tellement xxe siècle ! Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si on fait ou pas une ligne de produits d’occasion, mais comment on les intègre dans sa stratégie. Eh oui ! on ne l’espérait plus, mais l’économie circulaire, c’est pour maintenant !
Extension du domaine de la vente : après le neuf, on vend de l’occasion, de la réparation et même en location
Il existe plein de manières d’envisager sa ligne de produits vintage. Certaines marques optent pour la réparation, comme chez Weston vintage, ou Patagonia à travers le programme Worn Wear. D’autres préfèrent récupérer leurs anciens modèles pour les donner eux-mêmes à des circuits associatifs. C’est le choix d’A.P.C. Recyclage, et son fondateur Jean Touitou s’en réjouit : « On peut quand même légitimement penser que tout disparaît trop vite, alors que tout ou presque peut être utilisé de nouveau. » La créatrice anglaise Stella McCartney, pionnière des mouvements écolos, a quant à elle choisi d’inciter ses clientes à revendre les vêtements de sa griffe sur le site américain The RealReal. Elle était la première à se lancer ; depuis, elle a été suivie par Burberry, puis Gucci, qui prévoit même que soit planté un arbre pour chaque achat passant par ce canal. Plus audacieuses encore, quelques marques osent la location, comme ba&sh, qui en mai 2020 annonçait faire sa « rent-volution » (jeu de mots habile avec le verbe to rent : louer, en anglais). L’offre a été confiée à la start-up française Les Cachotières.
PRODUIT : ON PRODUIT MOINS ET ON VEND MIEUX
Des décennies de fast fashion nous avaient habitués à réduire la durée de vie de nos vestiaires à quelques semaines. Avec la mode de seconde main, la durée reprend ses droits, ce qui offre, là encore, pas mal d’opportunités en matière de créativité.
C’est la fête à la capsule
Le monde de la fast fashion avait inventé l’obsolescence programmée avec ses T-shirts qui se déforment en trois lavages. Le vintage ouvre à d’autres astuces : dans un monde où les pièces qui durent peuvent rapporter, parfois plus cher que le prix du neuf, c’est la rareté qui fait toute la valeur. Moins de quanti, donc, pour plus de quali… Mais comment le client est-il prêt à avaler ça ? C’est la recette déjà bien rodée des collections éphémères, lancées sur des séries archi-courtes. La marque américaine de streetwear Supreme a fait sa fortune sur ce modèle, mais ce dernier fonctionne très bien sur des enseignes à petits prix. En juillet 2020, Lidl a vu sa collection de baskets partir sur eBay à plus de 1 200 euros la paire (près de 100 fois leur prix d’origine), juste quelques heures après sa mise en vente (et l’annonce de sa rupture de stock).
DEPOPEURS & TIKTOKEURS : NOUVEAUX INFLUENTS
À ces dispositifs rodés, la seconde main peut ajouter aussi de nouveaux types de collaboration. Ralph Lauren montrait la voix en 2019, en lançant Re/Sourced, une sélection de 150 modèles vintage de la marque, sélectionnés par trois Depopeurs. Le styliste a compris avant les autres que les tendances, c’est sur TikTok que cela se passe, et sur Depop que cela s’achète. Entre mars et août 2020, par exemple, quand on a vu explosé le style « cottagecore », cette esthétique qui idéalise la vie dans la campagne anglaise du xixe siècle, avec ses grosses robes à fleurs (on ne juge pas, on décrit, juste), la recherche de looks cottagecore a décollé de 900 % sur Depop.
Source: L’adn.eu