Mode : après le prêt-à-porter, le prêt à la demande
Des labels se lancent en proposant leurs vêtements uniquement en précommande. Un système aux avantages économiques (notamment grâce à l’absence de stock) et écologiques (fini la surproduction). Tout en collant aux envies stylistiques du moment.

C’est une chemise ample et légère, qui sent bon l’été. Elle est proposée dans différentes couleurs, façonnée dans une toile de coton bio, tissée en France et fabriquée au Portugal. Et elle est même affublée d’un petit nom, « Tony ». Il y a encore quelques jours, on pouvait se la procurer en précommande sur le site Internet de la marque Patine. Lancé en 2017 par Charlotte Dereux et Nicolas Poyet, ce label parisien a, en effet, fait de la précommande son mode de fonctionnement.
Ainsi, plusieurs fois par an, des pièces-phares du vestiaire féminin – un tee-shirt, un sweat-shirt, un jean, des boucles d’oreilles ou encore un short en denim – sont mises en vente en ligne, pour une durée limitée. La production des pièces n’est quant à elle mise en route qu’une fois les commandes comptabilisées. « Nous avons créé la marque en ne proposant qu’une seule pièce, un tee-shirt, fabriqué dans une seule matière, en jersey de coton recyclé. Nous voulions que notre production ait un impact léger sur la planète. La précommande nous permet cela car c’est une façon d’anticiper nos ventes, et ainsi de ne pas surproduire », explique Charlotte Dereux.
Particulièrement actifs sur Instagram, ces nouveaux labels profitent également de leurs communautés grandissantes pour prendre le pouls des envies du moment : « Nous imaginons les pièces en cocréation avec nos clients. Nous leur soumettons un questionnaire avant chaque nouveau lancement. Quelle matière souhaitez-vous ? Pour quel usage ? », ajoute Adrien Garcia. En moyenne, Réuni décroche 300 commandes lors de ses lancements de produits successifs.
« Prêt en une dizaine de jours »
La communauté participe parfois directement à la naissance de ces nouveaux venus dans le paysage mode, notamment à travers des appels de fonds sur des plates-formes participatives spécialisées. Le français Ulule note qu’en 2020, 454 projets en « mode et maroquinerie » ont ainsi été lancés à travers leur site, avec en moyenne 7 144 € collectés à chaque fois. Autre avantage non négligeable pour une jeune marque, ne pas avancer de frais : « On paie nos fournisseurs avec l’argent de nos commandes », souligne Charlotte Dereux. Les prix ne sont, quant à eux, pas beaucoup plus élevés que ceux du marché. Le jean « Brenda » signé Patine est à 130 €.
Habitués à consommer une mode à disposition immédiate, l’attente n’est-elle pas un frein pour les clients ? « Nous remarquons que les gens sont prêts à attendre. La production de nos pièces peut prendre jusqu’à quatre mois, mais ce n’est pas un problème. Il y a une réelle envie de mieux maîtriser sa consommation », analyse Adrien Garcia.
Pour Pierre-François Le Louët, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, la mode à la commande s’inscrit parfaitement dans l’air du temps : « C’est un système vertueux, qui se développe de plus en plus ces dernières années auprès des jeunes créateurs et qui permet notamment de supprimer les stocks. De nombreuses grandes marques ont été pointées du doigt ces dernières années pour avoir détruit leurs invendus. Des lois sont actuellement mises en place pour éviter cela. De plus, les marques émergentes n’ont souvent pas l’infrastructure pour accueillir leur production en amont. » Une mode raisonnable et raisonnée qui coche toutes les cases du monde d’après ?
Source: Le Monde