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La pastèque marocaine sacrifiée sur l’autel des réseaux sociaux

«Avoir goûté de la pastèque, c’est savoir ce que mangent les anges», disait Mark Twain. Mais, au Maroc en ces temps-ci, ce fruit traditionnellement très prisé a énormément perdu de son attrait. Et pour cause des publications sur les réseaux sociaux s’acharnant sur la pastèque marocaine et lui attribuant «des méfaits sur la santé dus entre autres à des graines génétiquement modifiées, à la présence de contaminants, conservateurs ,au fait que le fruit est anormalement rouge, moins sucré, granuleux, … ». «C’est honteux et scandaleux ce qui est arrivé. Peu de gens qui n’ont aucune preuve, ont par leur ignorance, induit en erreur beaucoup de personnes et ont saccagé toute une activité économique du pays. À mon sens, ceux qui ont lancé cette rumeur empoisonnante doivent en répondre légalement», note Ahmed Mouflih, directeur de Fédération interprofessionnelle Marocaine de Production et d’exportation des fruits et légumes (FIFEL)

L’ONSSA rassure, mais en vain

Ces accusations se sont rapidement propagées sur les réseaux sociaux. Et la poudrière (réseaux sociaux) a fait son travail. On partage, on commente, on parle d’OGM, de pesticide, de décès…Une situation qui a fait réagir l’Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires «ONSSA» à travers des communiquées et des entretiens avec des journaux et des sites d’informations de la place. «Au démarrage de la commercialisation de la pastèque au Maroc, des rumeurs non fondées circulent sur les réseaux sociaux quant à la qualité et la sécurité sanitaire de ce fruit. Il s’agit de fausses rumeurs qui concernent l’utilisation de semences génétiquement modifiées, l’injection d’hormones, ainsi que la présence de substances toxiques dans ce fruit. De même, des photos circulent sur la messagerie WhatsApp, accompagnées d’un texte qui indique la présence d’un taux élevé de fertilisation azotée de la pastèque et son danger pour le consommateur. Toutes ces photos et les informations qui les accompagnent n’ont rien à voir avec le Maroc et font partie des fake news. Il s’agit à l’origine de photos anciennes qui ont circulé en 2018 et 2020 sur les réseaux sociaux et publiées auparavant sur des pages Facebook de certains pays arabes et maghrébins», précise l’ONSSA. Selon ce dernier, les analyses que ses services ont réalisées ont attesté de la conformité de la pastèque marocaine aux normes de sécurité sanitaire des aliments. Ces analyses effectuées durant la campagne en cours n’ont détecté aucune présence de contaminants dans la pastèque marocaine (résidus des pesticides, des métaux lourds comme le plomb et le cadmium et des bactéries comme les salmonelles et les coliformes).

À noter à ce niveau, qu’en plus de la mise en place annuelle des plans de surveillance et de contrôle des fruits et légumes, y compris la pastèque au niveau des exploitations agricoles, des marchés de gros, des grandes et moyennes surfaces et des stations de conditionnement. L’ONSSA soumet les semences importées à un contrôle technique et phytosanitaire systématique aux postes d’inspection frontaliers.

Parmi les faux arguments avancés dans les post sur les réseaux, il y a celui lié à la précocité des pastèques. Sur ce point, l’ONSSA est on ne peut plus clair. «La production précoce des pastèques s’explique principalement par les conditions climatiques de certaines régions de production au niveau national, qui se caractérisent par des températures élevées dès les premiers mois de l’année, ainsi que par l’utilisation des bonnes pratiques de production», précise l’ONSSA. Qui a insisté sur le fait que l’utilisation de variétés génétiquement modifiées est interdite pour toutes les cultures au Maroc.

À lire ces arguments, on serait tenté de dire que cela peut suffire pour arrêter le massacre de la pastèque. Mais, c’est sans compter sur le poids des réseaux sociaux. Et visiblement ces derniers ont eu raison des arguments de l’ONSSA. La campagne de « boycott » de la pastèque marocaine ne s’est pas arrêtée. Sur les réseaux sociaux on a dit qu’elle n’est pas conforme aux normes sanitaires. Elle ne l’est pas et c’est tout». On ne discute plus. La conviction a été forgée et s’est enracinée. Le mal a été fait. La pastèque marocaine est vendue aux rabais. Elle est liquidée à 1,50Dh voire même à 1DH le KG au niveau même dans certains quartiers huppés de Casablanca réputés pour la cherté des fruits et légumes qui y sont vendus. De petites camionnettes et des pick-up pleins à craquer de ce fruit, que les réseaux sociaux ont maudit, circulent dans les rues des grandes villes à la recherche d’un preneur, d’un sauveur, d’un aventurier, celui qui oserait contredire les dits réseaux. Très peu d’aventuriers se manifestent. Le mal est fait.

L’écosystème s’écroule

Résultat «tout l’écosystème de la culture de la pastèque a été ruiné. Les agriculteurs et les producteurs auront du mal à compter et à compenser leurs pertes. Ils sont plusieurs à avoir contracté des crédits, et procédé à des forages de puits. Rembourser ces crédits et payer les fournisseurs sera une chose très compliquée. C’est un vrai massacre», déplore le directeur de la FIFEL.

Surproduction

Selon Mouflih, l’autre facteur expliquant cette baisse des prix est lié à une surproduction cette année. En effet, les producteurs encouragés par une bonne campagne en 2020, ont misé sur un plus cette année. Ceci sans oublier l’arrivée sur le marché de nouvelles variétés.

Pour rappel, l’année dernière le Maroc s’est classé dans le top 5 mondial des exportateurs de la pastèque établi par la Division de statistique des Nations Unies (COMTRADE). Les exportations du Royaume ont atteint 241,94 millions de kilos en 2020, soit une hausse de 48% par rapport à 2019. A la première place de ce classement, il y a l’Espagne. Ce qui a fait dire à certains que la fake-news sur la non-conformité de la pastèque marocaine provient des concurrents espagnols. Mais, cela reste «une vérité» virtuelle.

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