Viandes ’’oubliés » … chefs marocains: Ambassadeurs des viandes oubliées

Intégrant chèvre, lapin, chameau et autres viandes méconnues à leurs menus, les chefs redonnent vie à un héritage culinaire oublié. Entre traditions, goût et enjeux durables, ils ouvrent la voie à une réhabilitation progressive de ces filières, tout en sensibilisant les consommateurs à leur richesse et à leur diversité.
Les chefs cuisiniers sont des acteurs clés dans la réintroduction et la popularisation des viandes oubliées. En les intégrant dans leurs menus, ils peuvent élever leur statut et les faire découvrir à un public plus large.
Héritage culinaire
Chef Tarik Harabida souligne sa motivation: «Intégrer des viandes comme le lapin, la chèvre ou même le chameau dans mes créations, c’est avant tout une volonté de renouer avec une partie méconnue de notre héritage culinaire.
Durabilité et de diversité
Ces viandes faisaient autrefois partie du quotidien dans certaines régions du Maroc, notamment rurales, avant d’être progressivement reléguées au second plan. Aujourd’hui, dans un monde en quête de durabilité et de diversité, leur redécouverte prend tout son sens – à la fois sur le plan gustatif et écologique.»
Concernant l’oubli de ces viandes par les Marocains, Chef Harabida explique : «La consommation s’est standardisée au fil du temps, influencée par des logiques économiques, la facilité de production, et un certain mimétisme urbain. Le bœuf, l’agneau et le poulet se sont imposés comme les viandes de référence. Celles qui demandent plus de préparation, ou dont le goût sort de l’ordinaire, ont été mises de côté – souvent par méconnaissance plus que par refus.»
Créateurs et médiateurs
Il met en avant le rôle des chefs : «Nous, les chefs, avons une responsabilité, celle d’être à la fois créateurs et médiateurs. Nous pouvons revaloriser ces produits en les mettant en scène dans des recettes accessibles, en racontant leur histoire, et en les intégrant avec subtilité dans nos menus. Il ne s’agit pas de tout révolutionner, mais de réintroduire progressivement ces viandes à travers des plats qui résonnent avec la culture locale.»
«La surprise est souvent au rendez-vous, mais elle est très majoritairement positive. Je remarque que lorsque la démarche est expliquée, et que le plat est présenté avec soin et sens, les clients sont curieux, enthousiastes et ouverts. J’organise parfois des dégustations commentées ou des ateliers en plein air pour créer un contexte d’échange et de sensibilisation. Le cadre joue aussi beaucoup, déguster un plat de chèvre mijoté à l’ombre d’un figuier centenaire change l’expérience.» Explique chef Tarik.
Chef Simo, Masterchef Maroc 2018, ajoute concernant le lapin que cette viande est souvent sous-estimée, mais qui mérite une place de choix dans la gastronomie marocaine. Sa chair tendre et peu grasse s’adapte parfaitement aux saveurs riches et épicées des plats traditionnels.
Mloukhia à la façon d’Ouarzazate
Par exemple, le lapin à la marocaine marie cette viande avec des ingrédients typiques comme le citron confit, les figues et les épices telles que le cumin et le safran. Il précise que le lapin peut être préparé en tajine avec des légumes et des herbes aromatiques, offrant une alternative savoureuse et équilibrée, ou encore le fameux tajine de lapin à la Mloukhia à la façon d’Ouarzazate.
Chef Simo évoque aussi les défis d’approvisionnement. Il souligne que les viandes comme le chameau, l’autruche ou la chèvre sont moins courantes sur le marché marocain, et que la filière des viandes rouges fait face à des difficultés liées aux aléas climatiques et à la sécheresse. Pour les restaurateurs, cela signifie qu’il faut bien gérer les marges et proposer des plats attractifs tout en restant compétitif. Quant à l’acceptation par les consommateurs, il note que : «Les Marocains sont plus familiers avec l’agneau et le poulet, et il peut être difficile de les convaincre d’essayer des viandes moins courantes. La sensibilisation et la mise en avant des bienfaits nutritionnels de ces viandes peuvent aider à les populariser.»
Perspectives de développement
Les perspectives de développement pour ces filières sont prometteuses selon Chef Harabida : «Je crois sincèrement qu’un avenir existe pour ces viandes, mais il dépend de plusieurs leviers dont la structuration des filières locales, l’accompagnement des éleveurs, la mise en place de normes de qualité, et surtout la valorisation auprès des nouvelles générations. Cela passe aussi par la formation des cuisiniers, dès les écoles hôtelières, et par des campagnes de sensibilisation plus larges.»