Subventions au bétail, vers une commission d’enquête pour lever le voile sur un scandale à 13 milliards

Un vent de contestation souffle sur l’Hémicycle. Après des mois de flou et de suspicion autour des aides publiques accordées aux importateurs de bétail, l’opposition parlementaire monte au créneau et demande officiellement la création d’une commission d’enquête. En ligne de mire : des subventions évaluées à quelque 13 milliards de dirhams, dont la traçabilité, la pertinence et surtout les bénéficiaires restent entourés d’un profond mystère.
À l’origine de cette initiative, les groupes parlementaires du PJD, du PPS et du MP, rejoints désormais par celui de l’USFP. Ensemble, ils veulent tirer au clair les mécanismes qui ont permis de verser d’importantes enveloppes aux acteurs du secteur de l’élevage sans pour autant freiner la flambée des prix de la viande rouge sur le marché.
Le projet de commission, déposé auprès du Bureau de la Chambre des représentants, vise à auditer la période allant de fin 2022 à aujourd’hui. Objectif affiché : comprendre comment ces milliards ont été dépensés, identifier les véritables bénéficiaires et évaluer si cette politique a réellement servi l’intérêt général. Et si, au contraire, elle n’a pas plutôt profité à une poignée d’opérateurs bien placés.
Pour que la commission voie le jour, la loi impose un quorum équivalent à un tiers des membres de la Chambre — soit 132 députés. L’opposition affirme avoir reçu des assurances à ce sujet et prévoit même d’approcher certains élus de la majorité, notamment ceux du Parti de l’Istiqlal, dont un haut responsable avait déjà appelé à un audit de ces subventions.
Ce front commun inédit entre partis traditionnellement divisés reflète l’ampleur de la défiance. D’autant que plusieurs députés dénoncent un manque total de contrôle sur l’utilisation des fonds et s’interrogent sur les critères de sélection des importateurs subventionnés.
Dans une déclaration relayée par Al Ahdath Al Maghribia, Abderrahim Chahid, président du groupe socialiste à la Chambre, estime que cette initiative constitue une nécessité politique et institutionnelle. Pour lui, il s’agit d’un devoir de vérité, mais aussi d’une opportunité pour redonner à l’institution parlementaire son rôle de supervision et d’évaluation des politiques publiques.
La controverse ne cesse d’enfler au sein même de la majorité, où des voix discordantes commencent à émerger. Entre informations contradictoires et silence gouvernemental, les interrogations s’accumulent : pourquoi les prix ne baissent-ils pas malgré les milliards injectés ? Qui décide de l’attribution des aides ? Quelles sont les contreparties exigées ? Et surtout, à qui profite réellement cette politique ?
En toile de fond, c’est la question de la gouvernance et de la transparence de l’action publique qui est posée. Car si l’objectif affiché était de soulager le pouvoir d’achat des citoyens, les résultats peinent à convaincre. Pour l’opposition, la mise en place de cette commission n’est pas une simple formalité : c’est une étape cruciale pour restaurer la confiance et mettre un terme à ce qui s’apparente de plus en plus à un véritable scandale d’État.