
Malgré des baisses annoncées à la pompe, les automobilistes marocains continuent de payer leur carburant bien plus cher que ce qu’imposerait une juste tarification. Jusqu’à deux dirhams de trop par litre, selon les syndicats, un écart jugé tout simplement scandaleux. Loin d’être un simple jeu de centimes, ce différentiel alimente un profond malaise autour de la libéralisation des prix des carburants opérée depuis 2015.
Le Syndicat national du pétrole et du gaz tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. À en croire El Houssine El Yamani, son secrétaire général, également à la tête du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine, les prix affichés dans les stations-service ne reflètent ni les cours internationaux ni la parité dirham-dollar. En avril, par exemple, alors que le litre de gasoil ne devrait pas dépasser 9,73 dirhams, et l’essence 11,12 dirhams, les prix réels tournent autour de 11,11 dirhams à Casablanca — et parfois plus ailleurs, selon les frais logistiques.
Comment expliquer un tel écart ? Le syndicat pointe du doigt les failles d’une libéralisation précipitée et mal encadrée. Loin de générer de la concurrence au bénéfice du consommateur, elle a surtout permis aux distributeurs de gonfler leurs marges, sans que les autorités ne réagissent de manière concrète. Une situation que le Conseil de la concurrence lui-même a déjà dénoncée, appelant à une révision urgente du cadre réglementaire.
Le gouvernement, de son côté, reconnaît à demi-mot l’existence d’erreurs. Le porte-parole Mustapha Baitas a admis que la décompensation des produits pétroliers n’a pas suffisamment pris en compte les spécificités sociales du pays. Il évoque des « imprudences » dans l’application de la réforme, qui ont laissé le terrain libre aux abus.
Mais les déclarations d’intention ne suffisent plus. Face à cette inaction prolongée, des voix s’élèvent pour exiger des mesures concrètes. L’Association marocaine des droits humains, par la voix d’Aziz Ghali, dénonce un abandon pur et simple du consommateur au profit des grandes enseignes pétrolières. Le Syndicat national du pétrole et du gaz va plus loin et appelle à un retour pur et simple à un système régulé.
Car au fond, c’est bien là que se joue l’enjeu : le marché marocain est-il suffisamment mature pour une libéralisation totale ? Pour les syndicats comme pour de nombreux observateurs, la réponse est non. Et tant que cette question ne sera pas sérieusement posée, les automobilistes continueront à voir leur facture grimper à chaque plein — sans comprendre pourquoi, ni vers qui va vraiment la différence.
Source L’Economiste