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Souveraineté alimentaire : le Maroc face aux nouveaux défis agricoles mondiaux

Alors que les tensions géopolitiques, climatiques et économiques redessinent la carte de la sécurité alimentaire mondiale, un rapport conjoint de l’OCDE et de la FAO invite les pays du Sud, dont le Maroc, à renforcer urgemment leur souveraineté agricole. Intitulé Agricultural Outlook 2025-2034, ce rapport stratégique met en lumière la fragilité croissante des pays importateurs face à une décennie de fortes incertitudes.

Une dépendance structurelle risquée

Le Maroc reste largement dépendant des marchés extérieurs pour couvrir ses besoins fondamentaux en céréales, huiles végétales et protéines animales. Cette vulnérabilité expose le pays à la volatilité des prix mondiaux, renforcée par des aléas climatiques, des tensions énergétiques et des conflits géopolitiques. Si une baisse moyenne des prix en termes réels est anticipée à long terme, leur instabilité à court terme complique la planification agricole, notamment pour les petits producteurs marocains, souvent peu mécanisés et faiblement capitalisés.

Deux leviers clés : productivité et technologies durables

Le rapport identifie deux axes prioritaires pour inverser la tendance : améliorer la productivité agricole (+15 % d’ici 2034) et accélérer la diffusion de technologies bas carbone. Dans un scénario volontariste, il serait possible de réduire de 7 % les émissions mondiales du secteur agricole tout en éliminant la sous-alimentation.

Pour le Maroc, cela implique des investissements massifs dans :

  • L’irrigation efficiente, notamment le goutte-à-goutte et les systèmes intelligents,
  • La recherche agronomique, adaptée aux contraintes locales (sécheresse, salinité, sols pauvres),
  • L’élevage durable, à faibles émissions et mieux intégré aux marchés,
  • Les pratiques culturales durables, incluant rotations de cultures, usage raisonné des intrants, et couverture végétale.

Eau, l’enjeu vital

Dans un pays structurellement exposé au stress hydrique — avec moins de 600 m³ d’eau douce par habitant et par an — les gains de rendement devront nécessairement passer par une optimisation de l’usage de l’eau. Cela passe par :

  • La généralisation de l’irrigation localisée,
  • Une diversification vers des cultures moins gourmandes (oliviers, cactus, légumineuses),
  • La valorisation de cultures à haute valeur ajoutée exportable (fruits rouges, agrumes, plantes médicinales).

Commerce international : un levier à activer

À l’horizon 2034, plus de 20 % des calories consommées dans le monde devraient provenir du commerce transfrontalier. Le Maroc, fort d’une position géostratégique et d’un savoir-faire reconnu dans l’export de fruits et légumes, pourrait davantage tirer parti de cette dynamique. Pour cela, il devra :

  • Renforcer ses normes phytosanitaires et la traçabilité,
  • Investir dans la chaîne du froid et la logistique agroalimentaire,
  • Sécuriser et diversifier ses accords commerciaux, notamment avec l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient.

Le rapport plaide également pour un cadre commercial multilatéral stable et fondé sur des règles claires, afin de lutter contre les tentations protectionnistes qui fragilisent les échanges et accentuent les déséquilibres alimentaires.

Protéines et nutrition : une priorité sociale

Autre volet critique : la qualité de la nutrition. Alors que la consommation moyenne de protéines animales dans les pays à faible revenu devrait plafonner à 143 kcal/jour en 2034 (contre les 300 kcal recommandés par la FAO), le Maroc doit repenser son offre alimentaire. Cela passe par :

  • La revalorisation des filières locales : volaille, œufs, poisson,
  • Des politiques publiques ciblées pour garantir l’accès équitable à une alimentation saine,
  • Le soutien aux producteurs locaux via des incitations fiscales et des filières courtes.

Une souveraineté agricole à reconstruire

En résumé, le rapport OCDE-FAO rappelle que la souveraineté alimentaire ne se résume pas à une autosuffisance quantitative, mais à la capacité à assurer un approvisionnement stable, durable et nutritif. Pour le Maroc, cela suppose un cap clair vers une agriculture régénérative, intégrée aux chaînes de valeur mondiales, et apte à garantir la sécurité alimentaire de toutes ses populations.

Dans un contexte de fortes pressions externes, l’enjeu est autant stratégique qu’économique : il s’agit de transformer une agriculture vulnérable en pilier de résilience, d’équité sociale et de compétitivité nationale.

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