Par Maître Adil Daoui, avocat au barreau de Casablanca.
Le Travail est l’un des moyens essentiels pour le développement du pays, la préservation de la dignité de l’Homme, l’amélioration du niveau de vie et la réalisation de la stabilité familiale. Étant donné son impact socio-économique, il est particulièrement régi par la loi.
Ainsi, la loi marocaine définit le contrat de travail comme un engagement produisant des obligations réciproques entre l’employeur et l’employé, dans un cadre parfaitement limité par le code du travail.
Dans chaque société organisée, chaque entreprise, chaque groupement d’individus réunis pour réaliser un objectif commun, il est nécessaire de créer une hiérarchie.
En vue d’établir un lien de subordination, la loi donne à l’employeur le droit d’orienter, d’organiser, et même de sanctionner le salarié lorsqu’il commet une faute.
Tel qu’il est disposé par l’article 37 du code du travail qui précise ce qui suit: « L’employeur peut prendre l’une des sanctions disciplinaires suivantes à l’encontre du salarié pour faute non grave:
1. L’avertissement;
2. Le blâme;
3. Un deuxième blâme ou la mise à pied pour une durée n’excédant pas huit jours;
4. Un troisième blâme ou le transfert à un autre service ou, le cas échéant, à un
autre établissement, le lieu de résidence du salarié étant pris en considération.
Les dispositions de l’article 62 ci-dessous sont applicables aux sanctions prévues
aux 3° et 4° du présent article »
A la lecture de cet article, il est légitime de se poser des questions logiques telles que les suivantes:
– C’est quoi une faute ?
– C’est quoi une faute non grave ?
– Qui détermine la gravité de la faute ?
Il faut dire que le droit d’infliger une sanction disciplinaire, qui a été attribué par la loi, à l’employeur, englobe implicitement, le droit de qualifier le comportement du salarié, et ainsi déterminer ce qui est une faute, et ce qui ne l’est pas.
Mais il faut garder à l’esprit que chaque droit a ses limites, que chaque principe a ses exceptions, que chaque pouvoir est soumis à un pouvoir qui lui est supérieur, et qui n’est autre que pouvoir suprême de la Justice.
Tel que précisé par l’article 42 du code du travail qui dispose dans son dernier alinéa ce qui suit :
« Sont soumises au contrôle de l’autorité judiciaire les décisions prises par l’employeur dans le cadre de l’exercice de son pouvoir disciplinaire. »
A la lecture de cet article il apparaît que le code du travail qui a donné le droit à l’employeur d’infliger une sanction disciplinaire au salarié de la même façon et donne le droit au salarié de saisir la justice pour contester cette sanction.
Et que de la même façon que le l’employeur peut qualifier et sanctionner, l’employé peut contester et faire annuler.
C’est en effet, la position constante de la cour de cassation, qui s’est exprimée par des arrêts rendus sur le sujet, à titre d’exemple, l’arrêt suivant :
« Toutes les décisions prises par l’employeur dans le cadre de son autorité disciplinaire à l’encontre du salarié sont soumises au contrôle judiciaire en application de l’article 42 du code du travail. » Arrêt de la cour de cassation N°: 792 en date du 26/04/2021 dossier N° 1304/5/1/2011.
Il est donc, très clair, que chaque sanction disciplinaire, à commencer par l’avertissement, peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction compétente pour « Annulation d’une sanction disciplinaire abusive ».
A ce stade, il est légitime de se poser des questions logiques telles que les suivantes:
– Qu’en est-il de la relation de travail, durant, et après le recours en justice?
– Le salarié va continuer à travailler ?
Il faut garder à l’esprit que le recours du salarié à la justice contre son employeur ne peut pas constituer une raison pour le sanctionner ou pour le licencier, tel que précisé par l’article 36 du code du travail, qui dispose ce qui suit :
« Ne constituent pas des motifs valables de prise de sanctions disciplinaires ou de licenciement :
4- le fait d’avoir déposé une plainte ou participé à des actions judiciaires contre l’employeur dans le cadre des dispositions de la présente loi »
Il apparaît à la lecture de cet article que le code du travail n’a pas seulement donné au salarié de droit de contester la sanction disciplinaire devant la justice, mais il a, aussi, insisté, pour garantir le libre accès à ce droit, en interdisant à l’employeur d’infliger une deuxième sanction au salarié pour la seule raison l’avoir contesté la
première sanction.
Le salarié est libre d’engager une action en justice contre son employeur, et continue à exercer son travail, normalement, sans pour autant subir une autre sanction pour cette seule raison, ou être licencié pour cette seule raison.
De ce fait, il est important de souligner que le sentiment d’impuissance que peut avoir le salarié face à une sanction disciplinaire qu’il estime injuste, est principalement alimenté par l’ignorance de la loi, et de la double protection que le code du travail lui garantit.