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Médicaments génériques : médecins et pharmaciens au cœur d’un bras de fer sur la substitution

La préparation par le ministère de la Santé d’un guide consacré aux médicaments génériques ravive les tensions entre médecins et pharmaciens. Chaque camp avance ses arguments autour d’enjeux majeurs pour le système de santé : sécurité des patients, cadre de responsabilité, performances économiques et organisation du circuit du médicament.

La coordination des médecins généralistes du secteur privé, regroupant quatre organisations professionnelles, a exprimé son opposition au projet dans une lettre adressée au ministre. Elle y dénonce un document jugé défaillant sur les plans scientifique et opérationnel, estimant qu’il pourrait exposer les patients à des risques cliniques. Le point le plus contesté porte sur la possibilité accordée au pharmacien de remplacer un médicament prescrit par son équivalent générique sans validation du médecin, une mesure perçue comme une remise en cause de la responsabilité médicale.

Les médecins alertent aussi sur l’absence de preuve d’équivalence biologique pour certains traitements, les différences de qualité entre laboratoires et la présence d’excipients susceptibles de provoquer des effets indésirables chez les patients sensibles ou atteints de maladies chroniques. L’absence d’un système numérique de suivi des remplacements est également pointée du doigt. Ils s’inquiètent, enfin, du fait que des assistants puissent assurer la substitution en l’absence de pharmaciens titulaires dans certaines officines, avec le risque d’erreurs que cela impliquerait. Face à ces lacunes, ils réclament une suspension du projet en attendant une révision fondée sur des critères scientifiques.

Pour éclairer ces enjeux, le médecin-chercheur Tayeb Hamdi rappelle que la substitution doit obligatoirement reposer sur la bioéquivalence et la sécurité thérapeutique. Certains traitements, notamment ceux à marge thérapeutique étroite, ne peuvent être remplacés sans danger. Il souligne également l’inadaptation de certaines formes génériques pour les jeunes enfants, ce qui rend la substitution inopportune dans des situations précises.

Pour lui, une telle réforme doit concilier bénéfice pour le patient, optimisation des dépenses publiques et équilibre financier pour les pharmaciens. Il préconise un calcul des marges basé sur la molécule plutôt que sur le prix du médicament, ainsi que la possibilité pour médecins et patients de refuser une substitution pour des raisons médicales. Il appelle également à renforcer les règles de pharmacovigilance et à imposer systématiquement des études de bioéquivalence avant toute mise sur le marché.

Du côté des pharmaciens, le secrétaire général de la Confédération, Amine Bouzoubaa, considère que ce guide représente une avancée essentielle, sous réserve qu’il soit aligné sur les standards internationaux. Il insiste sur le rôle du pharmacien, légalement responsable des actes réalisés en officine, et estime nécessaire d’intégrer automatiquement les substitutions dans le système de facturation de l’Assurance Maladie pour assurer leur traçabilité.

Il reconnaît toutefois la nécessité d’exclure certains médicaments à marge thérapeutique étroite, comme cela se pratique à l’étranger. Il insiste sur une approche concertée des substitutions, intégrant le patient et tenant compte des éventuelles intolérances à certains excipients. Pour renforcer la confiance, il plaide enfin pour une formation commune entre médecins et pharmaciens autour de la bioéquivalence et de la sécurité médicamenteuse.

Au final, ce débat met en lumière la nécessité d’un compromis équilibré. Derrière les divergences professionnelles, la réforme devra concilier sécurité sanitaire, accessibilité aux traitements et cohérence économique. Une dynamique de coopération semble indispensable pour que le patient reste au centre de la décision thérapeutique.

Avec Le360

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