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Additifs alimentaires : entre inquiétudes grandissantes et réalité scientifique au Maroc

Depuis quelques mois, les additifs alimentaires sont devenus un sujet central dans les discussions publiques. Les réseaux sociaux amplifient les inquiétudes autour de plusieurs produits du quotidien, accusés de contenir des substances jugées problématiques. L’épisode récent concernant les fromages fondus – largement commenté en ligne – a ravivé un climat de suspicion. Cette effervescence soulève une question essentielle : la perception collective reflète-t-elle les données scientifiques disponibles ? Et le Maroc doit-il revoir sa manière d’encadrer ces composants omniprésents ?

Les additifs, qu’il s’agisse de colorants, conservateurs, édulcorants ou agents de texture, sont intégrés à de très nombreux produits transformés pour stabiliser, protéger ou améliorer leur structure et leur goût. Le principe réglementaire est simple : seules les substances considérées sûres dans les limites fixées peuvent être utilisées. La Dre Naima Rhalem, médecin pharmaco-toxicologue et présidente de l’AMSETOX, rappelle que ces doses journalières admissibles servent de référence, même si certains composés font périodiquement l’objet d’études soulevant des interrogations. Lorsqu’un doute apparaît, les instances internationales réévaluent les données disponibles, ce qui peut conduire à ajuster les seuils ou l’autorisation d’emploi.

Les additifs les plus discutés

Selon la Dre Rhalem, plusieurs familles reviennent régulièrement dans les débats scientifiques. Les nitrites et nitrates, utilisés notamment dans les charcuteries, peuvent sous certaines conditions favoriser la formation de nitrosamines, reconnues comme potentiellement cancérogènes. Les colorants issus du « groupe de Southampton » sont, eux, associés depuis une étude de 2007 à un risque d’hyperactivité chez les enfants lorsqu’ils sont combinés au benzoate de sodium, ce qui a conduit l’Union européenne à imposer une mention spécifique sur les emballages.

Les édulcorants intenses comme l’aspartame ou le sucralose continuent eux aussi d’alimenter les controverses. Leur sécurité est généralement confirmée aux doses établies, à l’exception de situations particulières comme la phénylcétonurie. Certaines études observationnelles suggèrent toutefois des liens possibles avec des troubles métaboliques, ce qui encourage la poursuite des recherches, notamment autour du microbiote.

Les phosphates, présents dans de nombreux produits transformés, sont également surveillés en raison de leur absorption plus élevée lorsqu’ils sont utilisés comme additifs. Une consommation excessive pourrait accentuer certains risques, en particulier chez les personnes souffrant d’insuffisance rénale. Quant au dioxyde de titane, dont la fraction nanoparticulaire soulève des inquiétudes, il a été retiré en Europe par précaution, alors que sa situation demeure variable ailleurs.

Le Maroc face aux inquiétudes : clarifications et cadre réglementaire

L’affaire des fromages fondus a poussé l’ONSSA à rappeler le cadre existant. Les additifs y sont strictement encadrés par des textes harmonisés avec le Codex Alimentarius et la réglementation européenne. L’Office indique mener chaque année des plans de contrôle, tant sur le marché que sur les produits importés, afin de vérifier la conformité des étiquetages, des substances employées et des quantités utilisées. Les analyses sont effectuées dans des laboratoires agréés et s’appuient sur une veille scientifique continue.

La Dre Rhalem souligne que ces révisions régulières sont nécessaires : les habitudes alimentaires évoluent, de nouvelles vulnérabilités apparaissent et la recherche progresse. C’est également pour cette raison que la question des interactions entre additifs – l’« effet cocktail » – retient de plus en plus l’attention, même si son évaluation reste complexe.

Le point de vue des industriels : utilité reconnue, attentes nouvelles

Pour Hamid Felloun, directeur de la FENAGRI, les additifs demeurent indispensables au fonctionnement de l’industrie alimentaire moderne, tant pour la sécurité que pour la qualité organoleptique des produits. Leur emploi se fait sous contraintes réglementaires strictes, établies à l’échelle internationale. Il reconnaît toutefois que cela ne suffit plus à répondre aux attentes actuelles, marquées par une demande croissante de naturalité, de transparence et de durabilité.

Il évoque également les différences persistantes entre pays malgré l’harmonisation internationale, liées notamment aux habitudes de consommation ou à l’organisation industrielle. Selon lui, poursuivre cette harmonisation est déterminant pour la compétitivité du secteur. Un atelier organisé en avril 2025 a justement permis d’échanger entre experts et industriels afin d’anticiper les évolutions scientifiques et réglementaires.

Comment renforcer la sécurité et l’information du public ?

Plusieurs pistes sont mises en avant par les experts. La révision périodique des doses admissibles et de la liste des additifs autorisés doit se poursuivre, tout comme les recherches sur leurs effets combinés. La simplification de l’étiquetage et la pédagogie destinée au grand public sont également jugées indispensables. Des campagnes d’information, un affichage plus lisible et des messages adaptés aux populations les plus vulnérables contribueraient à améliorer la compréhension des risques.

La Dre Rhalem rappelle enfin quelques pratiques accessibles à tous : privilégier les aliments bruts, varier son alimentation et lire attentivement les listes d’ingrédients, notamment lorsque celles-ci deviennent longues ou complexes. Selon elle, la meilleure protection reste un mode d’alimentation diversifié et peu transformé. des aliments frais et locaux afin de limiter l’ingestion de substances ajoutées.

Source; Le Matin

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