Algérie Une économie boiteuse à l’image d’un régime vieillissant !
Explosion du taux de chômage, forte dépendance aux recettes d’hydrocarbures, poids excessif du secteur public, inflation non maîtrisée … l’économie algérienne est à bout de souffle. La crise sanitaire a aggravé encore plus la situation. Etat des lieux.

« L’Algérie traverse une asphyxie économique chronique depuis quelques années déjà », lance d’emblée l’analyste économique Mohamed Jadri. Très dépendant de ses hydrocarbures, le pays a du mal à se remettre de l’effondrement des cours depuis 2014 et à diversifier son économie. «C’est une économie qui a fondé sa croissance sur la rente pétrolière et qui reste donc à la merci du cours du baril à l’échelle internationale. Le pays n’encourage pas l’industrie et la production agricole ne permet pas l’autosuffisance alimentaire, d’où le recours à l’importation massive des biens d’équipement et des produits alimentaires depuis de longues années», ajoute-t-il. Troisième producteur de pétrole africain derrière le Nigeria et l’Angola, premier producteur de gaz naturel du continent, l’Algérie vit en effet depuis des décennies au gré de la rente qu’elle tire de ses hydrocarbures. Ainsi, selon la Banque Mondiale, le gaz et le pétrole représentent 96% de ses exportations, près de la moitié de son PIB et 60% de ses recettes budgétaires de l’État. L’entreprise publique Sonatrach, qui exploite les ressources pétrolières algériennes, est le groupe qui réalise le plus gros chiffre d’affaires sur le continent africain.
Des indicateurs économiques en berne
Dans sa dernière note de conjoncture, l’assureur-crédit Coface dresse le tableau de bord de l’économie l’algérienne. Il note ainsi une forte dépendance aux recettes d’hydrocarbures, un taux de chômage des jeunes élevé avec de faibles opportunités pour les diplômés, un poids excessif du secteur public, une crise politique et sociale aiguë déclenchée en 2019, un mauvais état des infrastructures et des faiblesses du secteur financier… la situation est en effet plus que critique. Ces dernières années, la croissance a été très faible, voire nulle que ce soit en 2018 (1,2%) ou en 2019 (0,8%), contre une moyenne de 3% sur la même période au Maroc. D’ailleurs, la Banque Mondiale estime que le PIB algérien s’est contracté de -6,5% en 2020, ce qui constitue un ralentissement de croissance pour la 5ème année consécutive. Les comptes publics et extérieurs – déjà largement déficitaires en 2019 – auraient également connu une nette dégradation en 2020 : le déficit public atteignant -15,1% du PIB et le déficit courant -13,4% du PIB. Le rebond de croissance est estimé à +3,8% en 2021 et +2,1% en 2022. Mais il est néanmoins conditionné, selon la Banque, à une réduction des déséquilibres macroéconomiques du pays, une reprise de la demande domestique et une hausse de la production d’hydrocarbures, avec pour principaux leviers de croissance la consommation privée, l’investissement et les exportations.
Un modèle économique défaillant
La dépendance vis-à-vis des recettes des hydrocarbures a coûté cher à l’Algérie. La crise du coronavirus a provoqué une chute vertigineuse des cours du baril à l’échelle internationale. La moyenne des cours de pétrole a baissé à 42 dollars le baril en 2020, contre 64 dollars durant l’année précédente, soit une perte de près de 23 dollars par baril (- 35 %). Résultat : les recettes fiscales liées à la vente des produits pétroliers représentent un manque à gagner de 31 % par rapport à 2019. Alors qu’en 2014, le pays comptait 200 milliards de dollars de réserves de devises, aujourd’hui la chute est vertigineuse avec à peine 30 milliards de dollars. Face à cette situation le gouvernement était contrait de limiter les importations. Les conséquences sont désastreuses : pertes d’emplois, incidences graves sur la disponibilité des produits sur le marché, fermeture des commerces… «L’un des handicaps majeurs du modèle économique algérien est qu’aucun secteur ou activité économique n’a été capable de limiter les dégâts et prendre le relais de la rente pétrolière en cette période de crise sanitaire. La situation perdure d’ailleurs depuis des décennies », affirme Jadri. En effet, «le modèle économique est basée sur le système de l’ex-URSS. Au lendemain de l’indépendance en 1962, de grosses structures étatiques ont vu le jour dans le secteur de l’industrie. Quand le pays a opté pour la libéralisation de son économie presque 20 ans après, ces unités industrielles ont eu du mal à répondre aux besoins des consommateurs algériens. Le privé, lui n’arrive pas à décoller et ne pourra émerger que dans 20 voire même 30 ans, à condition que l’Etat soit consciente de l’enjeu et encourage son développement », décrit l’analyste économique qui cite l’exemple de la présence étatique dans le domaine logistique. «Imaginez que contrairement à la majorité des pays, en cas d’exportation de produits de l’Algérie vers des pays africains, c’est une structure étatique qui prend en charge les frais liés à la logistique pour acheminer le produit, et non pas l’opérateur. Et malgré cela, les produits algériens souffrent d’un problème de compétitivité à l’échelle internationale » !
Encadré : Un chômage de masse
Selon un rapport publié par la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (CACI) en ce début du mois d’avril, 200.000 travailleurs manquent de ressources et environ 180.000 autres souffrent de retards dans la perception de leurs salaires. La CACI ajoute que 64% des entreprises algériennes ont licencié leurs employés au milieu de la pandémie. «Aujourd’hui, seulement 40% de la population en âge de travailler occupe un emploi. Le taux d’activité des femmes reste très bas. Et plus de 50% des jeunes fraichement diplômés ont du mal à trouver un emploi », éclaire un professeur universitaire. « La situation est critique. Elle est devenue beaucoup plus compliquée qu’elle ne l’était en 2014 », confirme de son côté notre analyste Jadri. Et le FMI d’ajouter une couche : le chômage a atteint 14,1% de la population en 2020, contre 12% en 2019. De son côté, la Coface parle même d’une hausse de 16,5% durant la même période. La Banque mondiale note que le chômage est le plus élevé parmi les jeunes, les femmes et les diplômés en raison de l’inadéquation des compétences sur le marché du travail. Le secteur privé, censé être la locomotive de l’emploi est en panne, et le public est saturé et ne peut absorber le nombre de diplômés chômeurs sur le marché. Tout es dit…