L’Algérie … le consommateur agonise
En Algérie, les pénuries de denrées essentielles sont monnaie courante. Les prix flambent, alors que le pouvoir d’achat des citoyens ne cesse de s’éroder sur fond d’une crise économique, aggravée par la crise sanitaire.

Depuis plusieurs mois, l’Algérie est confrontée à des tensions répétitives sur les produits alimentaires. Lait, semoule, pâtes…beaucoup d’aliments se font rares. Dernier exemple en date, une pénurie de l’huile de table à l’approche du mois de Ramadan. Des vidéos relayées sur les réseaux sociaux montrent des bousculades dans un centre commercial pour dérocher une bouteille d’huile de table. Il y a quelques mois, la population éprouvait des difficultés à se procurer un sachet de lait. Les scènes des files d’attente, dans une période de crise sanitaire ont fait le tour de la toile. Selon le site algérien tout sur l’Algérie (TSA), « Des pères de familles sont obligés de prendre sur leur temps de travail pour aller très le tôt le matin faire la queue afin d’acheter un sachet de lait quand ils ne sont pas forcés de prendre en sus du lait pasteurisé un sachet de lait de vache, une vente concomitante interdite par la loi mais que certains commerçants enfreignent allègrement ». Dans une vidéo publiée par le média, un père d’une famille composée de six personnes, l’air agacé, souligne qu’il n’a droit qu’un sachet de lait. Un système de rationnement qui rappelle les pires années de guerres du vingtième siècle qu’on pensait révolues à jamais ! Joint par Consonews, Hassan Menouar, président de l’Association El Aman pour la protection des consommateurs en Algérie, explique qu’il ne s’agit pas d’une pénurie mais « plutôt de perturbations au niveau de l’approvisionnement et la distribution au niveau des marchés qui coïncident souvent à l’approche des fêtes religieuses, du ramadan…Des périodes où la demande augmente sensiblement ». En gros, la demande serait donc beaucoup plus forte que la demande, sans plus. D’ailleurs, adoptant cette même logique, plusieurs responsables gouvernementaux pointaient du doigt le consommateur algérien l’appelant à adopter un comportement de consommation plus raisonnable.
Absence de régulation
«Le pays dépend de la rente pétrolière. Et dans un contexte de crise sanitaire, le prix de l’or noir a chuté et se situe dans des niveaux faibles à moyens. La baisse des réserves en devises a poussé le gouvernement à limiter les importations, ce qui a eu des incidences graves sur la disponibilité des produits notamment alimentaires », explique un économiste. Analyse que Menouar qui évoque plutôt une problématique de régulation face à la spéculation. «Dans l’absence d’une politique judicieuse de régulation, les spéculateurs profitent donc de la situation. Et dans des périodes de pic de consommation comme le Ramadan, c’est la ruée vers les commerces pour acquérir de grandes quantités de produits suite à de supposés prévisions de pénurie. Ce comportement déraisonnable de certains, sert alors les intérêts de certains commerçants malintentionnés qui cherchent à s’enrichir sur le dos des consommateurs, comme dans beaucoup de pays », note t-il en ajoutant : «tant qu’il n’y aura pas de plateformes destinées à la régulation des produits de large consommation, nous continuerons à subir ces phénomènes de perturbations et de non-maîtrise des prix ». Signalons que les prix en Algérie sont majoritairement administrés. L’on se demande quelle régulation supplémentaire faudrait-il ajouter ! Les perturbations sont liées aussi à l’informel. Dans les colonnes du journal El Watan, le professeur d’économie algérien, Brahim Guendouzi explique que les circuits de distribution dans l’agroalimentaire attirent une multitude d’intermédiaires occasionnels, encouragés par l’emballement de la demande sur les denrées alimentaires à l’occasion des fêtes religieuses et ramadan leur permettant d’engranger des gains considérables au détriment des consommateurs.
Encadré : Chères subventions !
En Algérie, plusieurs produits alimentaires sont subventionnés. Ainsi en es-il du lait. Pour d’autres denrées les prix sont plafonnés tels que les sucre et l’huile de table. Or, le système de subvention pose de sérieux problèmes. Selon les experts, non seulement cette politique empêche le jeu de la concurrence mais ouvre la voie à des pratiques anti-marchés voire illégales comme la contrebande ou le détournement des marchandises. L’impact sur les prix et la qualité est connu et c’est le consommateur final qui en fait les frais.
Dans une déclaration au journal Tout Sur l’Algérie, Mustapha Zebdi (il fait quoi ?!!!) estime que «les produits subventionnés font la richesse des lobbies ». Même son de cloche du côté de Hassan Menouar de l’association El Aman. Ce dernier informe que le système de subventions coûte près de 15 milliards de dollars par an à l’Etat. «Si seulement cette enveloppe est orientée pour soulager les consommateurs. Elle est à l’origine malheureusement de certaines pratiques frauduleuses constatées sur le marché », regrette t-il. Il suggère ainsi de revoir cette politique et d’orienter ces subventions directement vers les familles démunies. «Ce mécanisme nous permettra de gagner quelques 10 milliards de dollars puisque le système nous coûtera uniquement 5 millions de dollars », assure t-il. L’économiste Mohamed Jadri a une autre vision. Pour lui, «au lieu de vendre un produit qui coûte 10 DH à 5 DH par exemple, l’Etat peut former le citoyen et lui assurer un emploi et donc un salaire qui lui permettra d’acheter le même produit à 10 DH et en même temps acheter d’autres. Donc d’une pierre plusieurs coups : réduire le taux de chômage, améliorer le pouvoir d’achat, booster la demande et encourager la consommation », résume t-il.