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Cyberattaques : l’alerte sévère de Redouane El Haloui sur l’absence de gouvernance numérique au Maroc

Alors que le Maroc fait face à une vague inédite de cyberattaques ciblant des institutions sensibles, le président de l’APEBI, Redouane El Haloui, sonne l’alarme. Pour lui, le véritable danger ne réside pas tant dans la sophistication des attaques que dans l’incapacité du pays à y répondre collectivement. Dans une prise de parole franche et préoccupée, il pointe du doigt une gouvernance éclatée, un manque flagrant de coordination et une culture du pilotage encore embryonnaire.

Des attaques révélatrices d’un déficit de préparation

Entre la CNSS, l’ANCFCC et le ministère de la Justice, les hackers du groupe Jabaroot ont visé en quelques semaines plusieurs plateformes névralgiques du pays. Pour El Haloui, ces événements ne sont pas anodins : ils illustrent la montée en puissance du Maroc sur la scène numérique internationale — mais aussi son exposition croissante. « Plus on est visible, plus on attire l’attention », observe-t-il, rappelant que même les grandes puissances sont régulièrement ciblées.

Mais cette visibilité appelle des réponses adaptées. Or, selon lui, le Maroc accuse un sérieux retard dans sa capacité de réaction.

Un paysage institutionnel morcelé et inerte

« On a une multitude d’acteurs : ministère délégué, DGSSI, CNDP, ADD, Comité national… Mais pas une seule réunion d’urgence, pas de coordination, pas de bilan partagé. » Le ton est direct, presque désabusé. Le président de l’APEBI dénonce l’absence totale de pilotage centralisé en matière de cybersécurité, dans un contexte où les cybermenaces deviennent systémiques.

Il évoque une gouvernance éclatée où les responsabilités sont dispersées et les synergies inexistantes. Résultat : une réaction lente, désorganisée, parfois inexistante. Il cite l’exemple du Comité national pour le développement numérique, dont la dernière réunion remonte à plus d’un an, malgré les engagements pris à en faire un lieu de concertation tous les six mois.

Des systèmes obsolètes, mal audités

Autre grief majeur : la vulnérabilité des systèmes publics, parfois développés il y a plusieurs années, sans mise à jour ni audit rigoureux. Pour El Haloui, l’origine du problème est aussi budgétaire : la commande publique continue de privilégier le prix à l’expertise. « On a des entreprises marocaines compétentes en cybersécurité. Mais tant que l’on choisit l’offre la moins chère, on ouvre la porte aux failles », regrette-t-il.

Le digital toujours perçu comme secondaire

Au-delà de l’aspect technique, c’est l’approche politique qui pose question. El Haloui souligne que, contrairement à des pays comme le Rwanda où le numérique est un portefeuille ministériel à part entière, le Maroc le confine à un ministère délégué. Un signal institutionnel faible, selon lui, dans un monde où la transformation digitale est devenue un levier central de souveraineté.

Entre paroles rassurantes et inertie réelle

Le président de l’APEBI fustige un certain décalage entre les discours officiels sur le partenariat public-privé et la réalité du terrain. « On parle de concertation, mais personne ne nous appelle. On répète l’importance de la cybersécurité, mais aucune stratégie n’est opérationnalisée. » Il critique également les missions officielles à l’étranger qui se limitent souvent à du « copier-coller » sans valorisation des compétences locales.

Des signaux faibles mais encourageants

Il reconnaît néanmoins quelques avancées, comme la dynamique enclenchée après Vivatech et Gitex Africa autour des PME tech, ou encore une réunion récente sur la labellisation des entreprises en cybersécurité. Des initiatives prometteuses, mais qui doivent s’inscrire dans une vision globale.

Appel à un sursaut politique

La conclusion est sans détour : « Le vrai problème, ce n’est pas qu’on subisse des attaques. Le vrai problème, c’est qu’on ne semble rien faire face à ces attaques. » El Haloui appelle à un leadership clair, une gouvernance agile et un Comité national numérique qui joue pleinement son rôle de chef d’orchestre. Avec des KPI partagés, des réunions régulières et une feuille de route opérationnelle.

« Nous, les acteurs du secteur, sommes prêts à bâtir. Mais encore faut-il qu’on nous appelle », martèle-t-il. Une déclaration qui résonne comme une mise en garde : sans pilotage stratégique, la transformation numérique du pays restera un chantier inachevé.

Avec h24info.ma

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