Moroccan consumer day 2025

Transactions numériques: bâtir la confiance à l’ère des données et des algorithmes

Face à l’explosion des usages numériques, la sécurité des transactions et la protection du consommateur deviennent des enjeux majeurs. Le deuxième panel de la Journée marocaine du consommateur a rassemblé des experts du paiement, de l’e-commerce et de la blockchain pour décrypter les défis et proposer des pistes d’action concrètes.

Une priorité se dégage de tout les contributions à ce panel : renforcer la résilience du consommateur connecté, en lui donnant les outils pour comprendre, choisir et se protéger dans un univers numérique en constante évolution.

Sécuriser les paiements de bout en bout

Prenant la parole en ouverture du panel, M. Wahbi Dahak, Directeur Général de Switch Al Maghrib, a planté le décor : « Nous sommes aujourd’hui dans un environnement hautement sécurisé, avec plusieurs couches de protection. »

Switch Al Maghrib, acteur clé de l’intermédiation entre banques et commerçants, traite des flux chiffrés limités en données sensibles. La confidentialité des transactions est assurée par des mécanismes rigoureux de chiffrement, certification et agrément, auxquels doivent se soumettre chaque banque ou acquéreur.

Parmi les technologies évoquées, la tokenisation figure en bonne place pour masquer les données sensibles, tandis que des normes internationales comme PCI DSS, VIST ou CROE deviennent incontournables pour les acteurs de l’écosystème bancaire.

L’expert insiste aussi sur l’authentification forte (OTP par SMS), et sur l’usage de l’intelligence artificielle pour améliorer à la fois la sécurité et l’expérience utilisateur.

Mais la technologie ne suffit pas : la sensibilisation et l’éducation du consommateur sont essentielles pour contrer les risques croissants sur les réseaux sociaux.

« Les comportements frauduleux sont difficiles à bloquer en amont. C’est pourquoi il faut informer, éduquer et surtout impliquer les banques et les opérateurs internationaux dans cette mission. », souligne M. Dahak.

Confiance, transparence et vigilance face aux fraudes

  1. Badr Bouslikhane, Directeur Général de Jumia Maroc, a ensuite levé le voile sur les pratiques de sa plateforme, qui référence entre 650 000 et 750 000 produits. Seuls 3 à 5 % sont détenus directement par Jumia : la majorité appartient à une communauté de vendeurs tiers.

Pour instaurer la confiance, la plateforme a mis en place: le label « Boutique Officielle » pour les marques, un système de notation des vendeurs, et un processus de retour simplifié.

Mais Jumia n’échappe pas aux défis croissants de la fraude en ligne. M. Bouslikhane alerte sur l’augmentation alarmante des cas d’usurpation d’identité et de fraude bancaire, souvent favorisés par la naïveté numérique des utilisateurs.

Citant la CNDP, il avance que « moins de 20 % des consommateurs comprennent comment leurs données sont collectées ou comment se protéger. »,

Les réseaux sociaux sont désignés comme le terrain de jeu préféré des fraudeurs, où les ad groups lancent des centaines de fausses campagnes. Même les grandes marques et institutions bancaires y sont régulièrement imitées. « Le e-commerce est touché dans sa réputation. Il devient vital de sensibiliser et d’outiller les utilisateurs face à ce Far West numérique. », insiste M. Bouslikhane

La blockchain, un levier de transformation et de confiance

Pour M. Badr Bellaj, cofondateur de Mchain, la solution pourrait résider dans une révolution technologique : la blockchain. « C’est une technologie transactionnelle extrêmement sécurisée, transparente et résistante à la fraude. Elle change les règles du jeu.», a-t-il souligné.

Déjà expérimentée au Maroc, notamment par Bank Al-Maghrib, la blockchain permet de tracer chaque opération, de la création à l’échange final. L’idée de gérer les aides sociales via la blockchain, connectée à des portefeuilles électroniques, a même été testée en 2019 pour garantir transparence et lutte contre la corruption. « Avec la blockchain, chaque promesse devient une clause codée, inviolable, exécutable automatiquement. », ajoute-t-il.

  1. Bellaj évoque aussi l’essor des smart contracts (contrats intelligents), capables d’automatiser la compensation de passagers en cas de vol retardé, comme dans le cas d’un partenariat entre Lufthansa et un fournisseur blockchain.

Par ailleurs, l’apparition des stablecoins, monnaies numériques indexées sur des devises réelles, pourrait bouleverser les systèmes de paiement classiques, avec des volumes déjà comparables à ceux de Visa ou Mastercard. « On parle de systèmes décentralisés, rapides et peu coûteux. Le pouvoir est redistribué entre les mains des utilisateurs. »

  1. Wahbi Dahak (SWAM)

La Sécurité des Transactions Bancaires : Un Environnement Sécurisé pour les Consommateurs

« Aujourd’hui, nous évoluons dans un environnement extrêmement sécurisé, où différents niveaux de contrôles sont mis en place pour protéger les informations sensibles des consommateurs. En tant qu’intermédiaire entre les banques qui détiennent les cartes bancaires des consommateurs et les commerçants, Switch Al Maghrib joue un rôle crucial dans la sécurisation des transactions.

Les informations qui transitent à travers notre système sont limitées et ne comprennent pas d’informations sensibles ou importantes, contrairement à celles détenues par les commerçants. En revanche, nous mettons en place des mesures de sécurité robustes pour protéger les transactions. Par exemple, chaque transaction est effectuée de bout en bout de manière chiffrée, garantissant ainsi la confidentialité et l’intégrité des données.

En outre, nous intégrons des technologies de pointe, telles que la tokenisation, pour renforcer encore plus la sécurité des transactions. Des procédures, des processus et des contrôles sont également mis en place, avec des contrôleurs permanents et des missions d’audit régulières, pour s’assurer que tous les éléments sont exécutés correctement.

Ces mesures nous permettent de garantir un niveau élevé de sécurité pour les consommateurs et les commerçants qui utilisent nos services. »

 

Achraf Lemnini (Share Conseil)

Les marques doivent mériter la confiance du consommateur

Quel était votre objectif en intervenant lors du panel?

Notre but était de représenter la voix de l’annonceur, que nous côtoyons de très près en tant qu’agence. Il s’agissait de compléter les autres points de vue en expliquant comment une marque acquiert, transporte et traite la donnée — tout en s’assurant que celle-ci reste intègre du début à la fin du parcours.

Comment les marques protègent-elles concrètement les données personnelles?

Le premier verrou, c’est la technologie. La plupart des annonceurs disposent aujourd’hui de systèmes CRM sophistiqués, où les données sont chiffrées et accessibles uniquement via des autorisations strictes. Ces accès sont soigneusement encadrés, que ce soit en interne ou chez les partenaires (agences, centres d’appel…).

Et au-delà de la technologie?

Le second verrou, c’est l’humain. Les marques veillent à ce que seules des personnes formées, éthiques et compétentes manipulent les données. Cela passe par une sélection rigoureuse, mais aussi par des audits réguliers pour détecter toute faille éventuelle dans le processus. Le contrôle est constant.

Le niveau de protection est-il satisfaisant au Maroc?

Il y a encore du chemin, mais les efforts sont réels. Même les pays les plus avancés subissent des brèches. Tout dépend de la maturité numérique de chaque marque, de ses outils, et surtout du niveau d’exigence qu’elle s’impose. Car au final, chaque donnée confiée est un acte de confiance du consommateur — et cette confiance, il faut la mériter.

 

M. Badr Bouslikhane (JUMIA)

« Le Far West » numérique est bien réel

 

Vous avez qualifié la situation de fraude sur les réseaux sociaux de véritable Far West, qu’est-ce qui vous fait dire ça?

La situation de fraude sur les réseaux sociaux est effectivement alarmante et peut être qualifiée de véritable Far West. En effet, nous observons une hausse préoccupante des cas d’usurpation d’identité, notamment via des fraudes à la carte bancaire. Selon la CNDP, les réclamations augmentent de près de 30 % chaque année. Malheureusement, une grande part de ces fraudes est alimentée par le manque de vigilance des consommateurs, qui partagent encore leurs coordonnées bancaires sur des plateformes peu sécurisées. Cela crée un terreau fertile pour les fraudeurs et accélère la croissance de ce phénomène.

Quelles sont, selon vous, les failles majeures du système actuel?
La première faille est clairement liée à la sensibilisation. Le public reste mal informé des risques numériques. Mais il y a aussi une défaillance au niveau du contrôle des contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux. Des annonces frauduleuses, parfois très grossières, circulent librement : fausses offres d’emploi, fausses promotions… Et même les marques les plus sérieuses se retrouvent associées à ces escroqueries sans pouvoir agir en amont.

Votre propre marque a-t-elle été touchée?
Oui, malheureusement. Comme d’autres acteurs majeurs, nous avons été ciblés par des campagnes sponsorisées non autorisées, diffusant de fausses informations en utilisant notre image. Ces groupes malveillants exploitent l’attractivité des marques pour déclencher des arnaques. Et lorsqu’une campagne est bloquée, une autre prend le relais aussitôt.

Quelles conséquences pour le secteur?
Elles sont lourdes. Même si nous ne sommes pas responsables, notre image est impactée. Cela crée un climat de défiance qui nuit à tout l’écosystème du e-commerce. Ce que nous vivons dépasse l’attaque individuelle : c’est toute une industrie qui est fragilisée par le manque de régulation des plateformes.

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