Le Maroc muscle sa stratégie halieutique pour freiner la flambée des prix du poisson

Alors que le poisson devient un luxe sur de nombreuses tables marocaines, le gouvernement tente de calmer la tempête. La secrétaire d’État chargée de la Pêche maritime, Zakia Driouich, a présenté devant la Chambre des conseillers une série de mesures destinées à moderniser la filière, de la mer jusqu’à l’étal, avec un double objectif : stabiliser les prix et assurer la durabilité des ressources.
Selon L’Économiste, cette stratégie s’appuie sur trois leviers majeurs : la modernisation de la flotte, la structuration des circuits de commercialisation et la réduction du nombre d’intermédiaires — souvent accusés de gonfler les prix entre le port et le consommateur.
Des marchés modernisés et mieux connectés
Le gouvernement mise d’abord sur la refonte du circuit de commercialisation. L’Office national des pêches (ONP) gère aujourd’hui 72 marchés de gros, dont 14 de “nouvelle génération”, pour un investissement global de 635 millions de dirhams. Pour renforcer la traçabilité et la qualité, 16.000 barques artisanales ont été équipées de glacières isothermes, un effort de 93,5 millions de dirhams.
En parallèle, un programme national de marchés de gros hors ports est en cours de déploiement, en partenariat avec les collectivités locales. Dix structures modernes verront le jour, avec de nouveaux projets à Nador et Fès, et huit marchés de détail sont prévus d’ici 2027, pour un budget de 30 millions de dirhams. Le premier marché moderne de détail sera inauguré à Dakhla à l’occasion de la Fête de la Marche verte.
Ces investissements visent à raccourcir le circuit de distribution, encourager la consommation locale et réduire la spéculation sur les prix.
Une profession désormais encadrée
Longtemps laissée dans l’informel, la vente en gros de poisson devient un métier réglementé. La loi 08-14 fixe désormais les conditions d’exercice et le rôle des grossistes dans la chaîne de valeur. Seuls les vendeurs disposant d’une carte professionnelle peuvent accéder aux marchés de gros, une mesure qui devrait contribuer à assainir la filière et à garantir les conditions sanitaires des produits.
Une flotte mieux équipée et plus performante
Côté mer, la modernisation de la flotte bat son plein. En 2024, 47 nouveaux bateaux et 1.094 barques artisanales ont été construits, tandis que plus de 1.100 embarcations ont été réhabilitées. Le programme Ibhar, fer de lance de cette politique, a permis de soutenir 1.161 navires à hauteur de 170 millions de dirhams.
Dans les zones du sud, 6.183 barques ont été renforcées par des dispositifs modernes de secours, 757 moteurs ont été remplacés, et les pêcheurs équipés de gilets de sauvetage de nouvelle génération.
Ces efforts traduisent la volonté du gouvernement de professionnaliser la filière, de sécuriser les travailleurs de la mer et de garantir la qualité du poisson sur tout le circuit, du filet à l’assiette.
En toile de fond, un enjeu central : préserver les stocks halieutiques tout en maintenant l’accessibilité du poisson pour les ménages marocains, un équilibre aussi fragile que vital pour une filière clé de l’économie nationale.
Avec L’Economiste
