
Au Maroc, la multiplicité des conseils, instituts, instances, commissions nationales, hautes autorités… est souvent critiquée par son manque d’impact: beaucoup de gros salaires distribués, pour des avancées pas toujours à la vitesse espérée.
Mais, il y a parfois du bon à cela, surtout quand c’est du quasi-inattendu. Comme par exemple le fait qu’une instance fasse le boulot d’une autre. C’est le cas ainsi de ce qui est de la concurrence dans le secteur des télécoms.
En effet, au lieu d’avoir l’avis du Conseil de la Concurrence, tout fraîchement installé d’ailleurs, c’est à la très active Cour des Comptes que l’on doit désormais une évaluation sans détour.
Dans un récent rapport, intitulé justement Évaluation des services publics en lignes, la Cour revient sur l’évolution de ce marché durant la dernière décennie.
Un point attire l’attention en particulier au vue de l’évolution des usages télécoms actuels axés sur une boulimie en matière de consommation de la data. Il s’agit en effet de la disponibilité de l’Internet en haut débit et en bonne qualité.
Sur ce volet la Cour des Comptes constate que le procédé le plus privilégié encore dans le monde pour permettre un tel niveau de confort reste l’Internet fixe (vs Internet mobile). Or, au Maroc, la situation est exactement l’inverse: l’accès à ce service s’est principalement développé grâce à l’Internet mobile!
« L’évolution importante qu’a connue le secteur des télécoms au Maroc est due principalement à l’évolution du marché du mobile et de l’internet mobile », peut-on lire dans le rapport final.
Pour cause, « le développement des infrastructures du réseau fixe est limité »; « or, c’est par ces infrastructures que passe le plus gros volume des données de par le monde. En effet, malgré l’évolution technologique qu’a connue la connectivité mobile, les réseaux du fixe large bande représentent en particulier les services adéquats et préférés des organismes publics et privés de moyenne et grande taille (…) ».
Pour enfoncer davantage le clou et faire ressortir le faible accès à l’Internet haut débit fixe au Maroc, la Cour des Comptes sort un chiffre: « les connexions internet sont portées à hauteur de 94% par le mobile. Les connexions ADSL représentent moins de 7% (…) Le marché de l’ADSL, comptant 1,23 millions d’abonnés, est détenu à hauteur de 99,98% par IAM ».
Ce dernier chiffre est particulièrement saisissant pour ce qui est de la problématique de la concurrence. Il est en effet très difficile de ne pas y voir la manifestation d’une situation de monopole sur ce qui semble représenter la moyen le plus efficace d’accéder à Internet et à la data…
Mais quelle part de responsabilité a IAM dans cet état de fait, à part le fait qu’il soit l’héritier d’un monopole historique?
La Cour des Comptes avance en guise de début de réponse l’élément de partage d’infrastructure (en gros il s’agit de louer l’infrastructure ADSL existante à ses concurrents (pratique dite également dégroupage)).
Sur ce volet, la Cour explique que « le marché des liaisons loués n’a pas évolué. Or, ce genre de liaisons est indispensable pour l’évolution des offres des entités véhiculant de gros volumes de données et abritant des applications en Interne et les administrations développant des services en ligne ».
Certes, il existe aujourd’hui un moyen de passer outre le monopole IAM avec une qualité similaire ou meilleure: la fibre optique. La Cour constate là encore que « malgré la volonté de l’ANRT, exprimée dans ses notes d’orientation, de développer les réseaux haut débit particulièrement ceux basés sur la fibre optique, aucune évolution significative n’a été observée dans ce domaine ».
Donc, en gros, d’après la Cour des Comptes, il y a moyen de mieux consommer Internet au Maroc si l’infrastructure téléphonique fixe est optimisée à travers une meilleure mise en concurrence.
Peut-on imaginer le Conseil de Guerraoui conclure à l’inverse?
A suivre…