Cannabis : une consommation qui double le risque de décès cardiovasculaire

Longtemps perçu comme une alternative douce ou un remède naturel, le cannabis se retrouve aujourd’hui au cœur d’une alerte scientifique majeure. Une méta-analyse de 24 études internationales, portant sur plus de 200 millions de personnes, établit un lien clair entre consommation de cannabis et risque accru de maladies cardiovasculaires, selon un article publié dans la revue Heart.
Un risque multiplié par deux
Les résultats sont sans appel : les consommateurs de cannabis auraient deux fois plus de risque de mourir d’un accident cardiovasculaire que les non-consommateurs. La probabilité de faire un AVC ou un infarctus du myocarde serait également augmentée de 20%. Pour Émilie Jouanjus, pharmacologue clinique au CHU de Toulouse et co-autrice de l’étude, il est urgent de ne plus ignorer les effets délétères de cette substance, surtout à l’heure où elle gagne en popularité, que ce soit à des fins récréatives ou thérapeutiques.
Un produit naturel… mais pas inoffensif
Aux États-Unis comme en Europe, le cannabis gagne du terrain dans les usages médicaux, souvent présenté comme un allié contre les nausées de la chimiothérapie ou les douleurs chroniques. Mais cette image de plante « bien-être » induit en erreur. Lynn Silver, experte en santé publique en Californie, prévient : « Le cannabis n’est pas plus sûr que le tabac. Ce n’est pas parce qu’il est d’origine végétale qu’il est sans danger. »
De nombreuses zones d’ombre subsistent quant à l’action du THC, le principal composant psychoactif du cannabis, sur le cœur. Mais des pistes émergent : il augmente le rythme cardiaque, la tension artérielle, favorise les inflammations, et pourrait provoquer la constriction des vaisseaux, augmentant ainsi le risque de caillots ou d’accidents vasculaires. L’inhalation de fumée de cannabis, riche en particules fines, expose aussi à des effets similaires à ceux du tabac, notamment l’accumulation de plaques dans les artères.
Une perception biaisée, une recherche encore incomplète
En France, près de la moitié des adultes ont déjà consommé du cannabis, faisant de ce produit la drogue illicite la plus répandue. Pourtant, sa consommation reste mal déclarée, et les chercheurs peinent à mesurer précisément son impact, notamment en fonction des méthodes de consommation (fumée, ingestion, vaporisation) ou de la concentration en cannabinoïdes.
Des études complémentaires, notamment menées par l’Université de Californie à San Francisco, évoquent des effets sur le psychisme et les paramètres cardiovasculaires, même pour les formes ingérées comme les bonbons au THC. De quoi relativiser l’idée, encore répandue, que manger du cannabis serait inoffensif.
Un avertissement de santé publique
Les chercheurs pointent aussi une vulnérabilité particulière chez les personnes âgées ou souffrant déjà de pathologies cardiaques, pour qui les effets du cannabis pourraient être encore plus délétères. S’ils appellent à approfondir la recherche, le message est déjà clair : le cannabis n’est pas une substance neutre pour le cœur.
« Le risque est bien réel, même s’il n’est pas encore toujours visible cliniquement », insiste Émilie Jouanjus. À l’heure où la légalisation progresse et où les usages se diversifient, les autorités sanitaires devront intégrer cette donnée dans les politiques de prévention, au même titre que l’alcool ou le tabac.
Le cannabis, longtemps rangé dans la catégorie des substances douces, montre désormais un visage plus sombre, celui de menace silencieuse pour la santé cardiovasculaire.
Avec nationalgeographic.fr