
L’édition 2025 du salon IAA Mobility, organisée à Munich entre l’Odeonsplatz et le parc des expositions, a mis en lumière une mutation profonde de l’industrie automobile mondiale. La montée en puissance des constructeurs chinois s’y est imposée comme l’un des faits marquants de l’événement, confirmant leur statut de concurrents directs des marques européennes historiques.
Selon une analyse présentée par le cabinet AlixPartners à l’occasion du salon, les constructeurs chinois pourraient représenter près de 30 % du marché automobile mondial d’ici cinq ans. Une progression rapide qui s’inscrit dans un contexte de transformation accélérée des modèles industriels, technologiques et commerciaux du secteur.
Une présence chinoise désormais structurante
Le salon a été marqué par une forte visibilité des marques chinoises, notamment sur le segment des véhicules électriques à batterie, particulièrement dans les catégories B, C et D. Les constructeurs chinois premium se sont également distingués par des modèles à forte valeur ajoutée, ciblant directement les marques allemandes sur leurs segments historiques.
Cette dynamique repose sur une offre technologique étoffée. Les nouveaux modèles exposés intègrent des habitacles dominés par les écrans numériques, une architecture logicielle avancée et des fonctionnalités connectées caractéristiques des véhicules définis par logiciel (Software Defined Vehicles – SDV). La diversité des motorisations présentées – hybrides, hybrides rechargeables et véhicules à prolongateur d’autonomie – illustre une transition énergétique qui progresse par trajectoires multiples, sans basculement unique.
Une progression mondiale rapide
Les projections d’AlixPartners confirment l’ampleur du mouvement. Sur le marché domestique chinois, les marques locales devraient capter 67 % des ventes en 2025, puis 76 % à l’horizon 2030. À l’échelle internationale, leur expansion s’accélère dans plusieurs régions clés.
En Europe (hors Russie), leur part de marché passerait de 4 % en 2024 à près de 10 % en 2030. En Asie du Sud et du Sud-Est, elle progresserait de 3 % à 17 % sur la même période. Le Moyen-Orient et l’Afrique verraient leur part atteindre 18 %, contre environ 10 % aujourd’hui, tandis qu’en Amérique du Sud, elle grimperait à 15 %.
« Les marques chinoises gagnent des parts de marché partout dans le monde, en particulier dans les marchés émergents, historiquement plus rentables pour les constructeurs occidentaux. Cette évolution pèse sur leur rentabilité et réduit leurs capacités d’investissement », souligne Alexandre Marian, Partner & Managing Director chez AlixPartners Paris.
Une consolidation inévitable du paysage chinois
Cette croissance rapide devrait toutefois s’accompagner d’un mouvement de consolidation. Sur les 129 marques de véhicules électriques actives en Chine en 2024, seules une quinzaine devraient atteindre une taille critique suffisante pour être durablement rentables d’ici 2030. La guerre des prix, engagée depuis 2022, devrait progressivement s’estomper entre 2027 et 2029.
Sur le plan commercial, les modèles de vente directe ou via agents, souvent mis en avant par les nouveaux entrants, ne devraient pas supplanter totalement les réseaux de concessionnaires traditionnels, qui restent essentiels pour assurer proximité, service après-vente et fidélisation.
Un secteur sous pression financière
Le contexte financier de l’industrie automobile apparaît de plus en plus tendu. Après plusieurs années de hausse des prix rendue possible par les pénuries de composants, la normalisation des chaînes d’approvisionnement et l’intensification de la concurrence pèsent sur les marges. Le ratio dette nette/Ebitda des principaux constructeurs progresse, tandis que leur dette nette a augmenté d’environ 25 % depuis le deuxième trimestre 2023.
Face à ces contraintes, les partenariats stratégiques se multiplient. Entre 2021 et 2024, les collaborations entre constructeurs occidentaux et acteurs chinois ont progressé de 42 %, notamment dans les domaines des batteries, des motorisations électriques, des logiciels embarqués, de l’intelligence artificielle et des systèmes avancés d’aide à la conduite.
« À l’origine, les alliances permettaient aux groupes occidentaux d’accéder au marché chinois. Aujourd’hui, on observe un phénomène de joint-venture inversée, où les acteurs chinois utilisent ces partenariats pour pénétrer le marché européen, en échange d’un partage d’expertise technologique », analyse Sophie d’Herbomez, Senior Vice President chez AlixPartners.
L’IAA Mobility 2025 aura ainsi confirmé que l’automobile mondiale est entrée dans une nouvelle phase de recomposition, où la concurrence ne se joue plus seulement sur les volumes, mais sur la maîtrise des technologies, du logiciel et des chaînes de valeur industrielles à long terme.
Avec Auto-infos.fr
