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Un implant actif pour la réparation des nerfs, l’innovation pionnière du chercheur marocain Ahmed Hamraoui

Dix ans de recherches, un pari sur la physique du vivant, et aujourd’hui un implant capable d’orienter la repousse nerveuse grâce à un simple champ électrique : le chercheur marocain Ahmed Hamraoui signe une avancée majeure dans la réparation du système nerveux périphérique.

Il développe un dispositif électroactif inédit : un tube isolant, rempli d’un gel biocompatible et entouré d’électrodes, capable de générer un champ électrique localisé pour stimuler et guider la régénération des fibres nerveuses sectionnées.

« Certaines blessures nerveuses, notamment lorsqu’il y a une interruption importante du nerf (plus de 3 cm chez l’humain), ne peuvent pas se réparer naturellement », explique le talentueux chercheur marocain dans une interview à la MAP.

Aujourd’hui, a-t-il ajouté, on essaie souvent de « remplacer » la partie manquante du nerf soit en prélevant un autre nerf du corps (ce qui implique de sacrifier un tissu sain), soit en utilisant un tube synthétique pour guider la repousse des fibres nerveuses, « deux solutions qui présentent plusieurs limites ».

« Les greffes nerveuses nécessitent une intervention lourde, et les tubes synthétiques, s’ils sont non fonctionnalisés (non activés), ne permettent pas toujours une bonne réparation, surtout lorsque la distance à combler est longue, a-t-il souligné.

C’est pour dépasser ces obstacles que son équipe, basée en France, a développé « un implant innovant capable de générer un champ électrique localisé autour de la zone blessée », a confié M. Hamraoui.

Selon lui, les champs électriques, lorsqu’ils sont associés à des environnements biologiques favorables tels que des gels de collagène ou de chitosane, « peuvent orienter et stimuler la repousse des fibres nerveuses ». Ce champ électrique serait un vecteur essentiel pour améliorer la régénération nerveuse.

L’implant mis au point se distingue par sa capacité à « stimuler et guider la repousse des fibres nerveuses sans entrer en contact direct avec les tissus », a précisé M. Hamraoui. Concrètement, il se compose de plusieurs éléments clés : « Un tube isolant – rempli d’un gel biocompatible – qui forme un canal dans lequel la fibre nerveuse peut repousser, des électrodes à la surface du tube permettent de générer un champ électrique stimulant sans toucher directement le tissu nerveux, et un manchon protecteur en matériaux biodégradables comme le PGLA, le PDO, le PLLA ou le PCL ».

Contrairement aux dispositifs classiques, souvent passifs, « notre implant est actif: il intervient directement pour favoriser une repousse plus rapide, mieux orientée et potentiellement plus efficace », a-t-il insisté.

Le chercheur, physicien de formation, a expliqué que l’idée de cet implant remonte à plus de dix ans. Dès 2010, il a encadré une thèse sur la croissance des fibres nerveuses (ou axones) en lien avec les propriétés physiques de leur environnement, en particulier l’adhésion des neurones sur des matrices extracellulaires artificielles.

« Nous avons découvert un point clé: pour déclencher la repousse des axones, il n’est pas forcément nécessaire d’ajouter des molécules chimiques ou des médicaments », a-t-il expliqué. Ce qui compte vraiment, c’est la variabilité des interactions physiques entre le neurone et son environnement immédiat, a relevé le chercheur, soulignant que cette hétérogénéité suffit à stimuler naturellement la croissance.

Sur les applications cliniques, M. Hamraoui, qui a fait ses classes à l’Université Mohamed Premier d’Oujda avant de poursuivre ses études en France où il a obtenu un doctorat en physique des surfaces et des interfaces solide-liquide, a précisé que l’objectif principal de l’implant est d’aider à la réparation des nerfs périphériques après des lésions importantes, comme celles causées par des accidents ou des interventions chirurgicales.

Ces atteintes, a-t-il expliqué, peuvent entraîner une perte de sensibilité, de mobilité, ou provoquer des douleurs chroniques. « Grâce à notre technologie, nous espérons améliorer la vitesse et la qualité de la récupération fonctionnelle », a-t-il affirmé.

Les principales applications cliniques concernent la réparation des nerfs sectionnés au niveau des membres (bras ou jambes), certaines chirurgies reconstructrices nécessitant la régénération nerveuse, et, à plus long terme, d’autres atteintes du système nerveux périphérique encore mal prises en charge, a-t-il détaillé.

Des tests expérimentaux ont déjà été menés sur des modèles animaux, notamment des souris. « Ces essais nous ont permis de montrer que notre implant est bien toléré et favorise une repousse plus rapide et mieux orientée des fibres nerveuses », a-t-il relevé.

En parallèle, ce maître de conférences à l’Université Paris Cité, détenteur d’une habilitation à diriger des recherches (HDR), a indiqué qu’il avait mis en place des collaborations avec des équipes de neurochirurgie et des centres de recherche clinique. « Et pour accélérer la transition vers des applications concrètes chez l’humain, nous sommes également en contact avec des investisseurs », a-t-il fait savoir.

S’agissant du soutien institutionnel, M. Hamraoui a précisé que ce projet bénéficie d’un « financement du Centre français de la recherche scientifique (CNRS), de la SATT Lutech et de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) », saluant, par ailleurs, « un travail d’équipe pluridisciplinaire », réunissant biologistes, neurophysiologistes et ingénieurs au sein de son laboratoire.

MAP

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