Médicaments génériques : les médecins vent debout face à une réforme pourtant éprouvée ailleurs

Alors que le ministère de la Santé prépare son “Guide des médicaments génériques” pour généraliser l’usage de traitements moins coûteux, une partie du corps médical monte au créneau. La Coordination syndicale des médecins généralistes du secteur privé dénonce un projet qu’elle juge risqué pour la sécurité des patients et demande sa suspension immédiate. Une réaction de méfiance que beaucoup jugent déphasée, au moment où les génériques sont déjà la norme dans la majorité des systèmes de santé modernes.
Une résistance qui interroge
Dans de nombreux pays — de la France au Canada, en passant par le Maroc lui-même pour certains traitements —, les médicaments génériques ont fait leurs preuves en termes d’efficacité, de sécurité et de coût. Pourtant, au Maroc, une partie des praticiens continue de s’y opposer, craignant une perte de contrôle sur la prescription.
Leur principale inquiétude concerne la possibilité pour le pharmacien de substituer un médicament prescrit par un équivalent générique sans validation du médecin. Pour les syndicats, cela porterait atteinte au principe de responsabilité médicale.
Mais pour les défenseurs du projet, il s’agit simplement d’un alignement sur les standards internationaux, où ce système de substitution est strictement encadré et a permis des économies substantielles pour les systèmes de santé tout en maintenant un haut niveau de sécurité pour les patients.
Les arguments des médecins
Les généralistes mettent en avant plusieurs points de vigilance : absence d’études locales sur l’équivalence biologique entre originaux et génériques, disparités entre laboratoires ou encore manque de traçabilité numérique. Ils craignent aussi que l’absence de pharmaciens titulaires dans certaines officines favorise des substitutions non encadrées.
Ils demandent donc un moratoire, le temps d’élaborer un guide concerté avec les instances professionnelles et de mieux définir les responsabilités légales de chacun.
Le consommateur, grand perdant de la polémique
Derrière cette résistance se joue aussi un enjeu économique et social. Le recours généralisé aux génériques pourrait réduire la facture médicale des ménages, aujourd’hui souvent plombée par le coût des traitements de marque.
Dans les pays ayant adopté cette politique depuis longtemps, les génériques représentent jusqu’à 70 à 90 % des médicaments vendus, sans compromettre la qualité des soins. L’Organisation mondiale de la Santé rappelle d’ailleurs que, lorsqu’ils respectent les normes de fabrication, les génériques sont aussi sûrs et efficaces que les originaux.
Vers un nécessaire dialogue
Le ministère de la Santé devra sans doute rassurer la profession et renforcer les garanties scientifiques et réglementaires autour du projet pour lever les doutes. Mais la résistance frontale des médecins ne devrait pas freiner une évolution jugée indispensable pour la soutenabilité du système de santé et pour le pouvoir d’achat des citoyens.
Car si le débat sur les modalités du guide est légitime, celui sur le principe des génériques semble, lui, déjà tranché ailleurs : le monde les a adoptés, et ils fonctionnent. Le Maroc, à son tour, doit trouver la voie d’une généralisation responsable et transparente, au service de la santé publique et du consommateur.
