Made in Morocco dans l'agroalimentaire

« L’industrie agroalimentaire marocaine est un secteur stratégique pour notre pays » Abdelmounim EL EULJ, président de la FENAGRI

Dans un paysage économique mondial en perpétuelle mutation, le secteur de l’agroalimentaire marocain se positionne comme un pilier essentiel de la croissance et de la souveraineté nationale. Afin de décrypter les dynamiques complexes qui animent cette industrie vitale, d’identifier les obstacles à surmonter et d’esquisser les trajectoires de développement futures, nous avons recueilli l’éclairage de M. Abdelmounim EL EULJ, Président de la Fédération Nationale de l’Agroalimentaire (FENAGRI). Son expertise nous permettra d’explorer les leviers de croissance à activer, de comprendre le rôle central de la FENAGRI dans le soutien aux entreprises, d’analyser les défis posés par un environnement économique et réglementaire en constante évolution, et de dévoiler les ambitions du nouveau plan d’action de la profession pour consolider la présence du « Made in Morocco » tant sur le marché local qu’à l’échelle internationale.

Comment évaluez-vous le rôle de l’industrie agroalimentaire locale dans l’atteinte de la souveraineté alimentaire de notre pays ?

L’industrie agroalimentaire marocaine est un secteur stratégique pour notre pays et d’ailleurs la conjoncture mondiale et nationale actuelles montrent à quel point notre souveraineté alimentaire est d’importance majeure et le développement d’une industrie agroalimentaire compétitive représente un enjeu capital et un potentiel de croissance économique indéniable.

En chiffres, l’industrie agroalimentaire locale (hors transformation des produits de la mer) est organisée en 13 branches d’activités, regroupant plus de 2000 entreprises, employant environ 207440 personnes permanentes et réalisant un chiffre d’affaires de près de 185 Milliards MAD avec 40 Milliards MAD de valeur ajoutée, soit l’équivalent de 26% du PIB industriel et 8% du PIB national. Cette industrie couvre près de 70 % des besoins intérieurs en produits alimentaires transformés, ce qui renforce son rôle stratégique en matière d’autosuffisance alimentaire.

Malgré ce potentiel, les exportations de produits agroalimentaires finis (hors TPM), demeurent en deçà de nos aspirations et génèrent actuellement un chiffre d’affaires à l’export de 43 milliards DH, soit seulement 12% des exportations industrielles avec la branche de transformation des fruits & légumes représentant près du 1/3 du total des exportations agroalimentaires réalisées.

Quels sont les principaux leviers de développement et de valorisation des produits agroalimentaires marocains ?

L’industrie agroalimentaire locale dispose de certains atouts qui peuvent être résumés dans l’existence de capacités pour la production de matières premières agricoles et la disponibilité d’infrastructures d’accueil industrielles de qualité, notamment avec l’implantation des agropoles dans les principaux bassins de production agricole. Ces pôles agricoles visent principalement à augmenter le taux de valorisation des matières agricoles et à renforcer la compétitivité des entreprises agroalimentaires locales. L’existence d’un tissu industriel agroalimentaire relativement diversifié et compétitif.

Notre pays dispose de ressources humaines qualifiées; il existe actuellement 3 établissements d’enseignement supérieur en agriculture d’une capacité de plus de 2700 étudiants par an, ainsi que plus de 53 établissements d’enseignement technique agricole et des industries alimentaires.

Accès préférentiel pour de nombreux produits de l’industrie agroalimentaire locale à certains marchés dans le cadre des accords de libre-échange signés par le Maroc (Union européenne, États-Unis d’Amérique, pays arabes, etc).

Par ailleurs, il est à souligner la dynamique générée par l’engagement fort de l’État et du privé, qui ont mis en œuvre plusieurs réformes et stratégies pour soutenir cette industrie. Parmi celles-ci, le Contrat-Programme pour le développement de l’industrie  agroalimentaire 2027-2021 qui visait à renforcer la compétitivité de cette industrie, améliorer l’intégration entre l’amont agricole et l’aval industriel, ainsi qu’à augmenter la part des produits agricoles valorisés.

Quel rôle de la FENAGRI dans l’accompagnement des entreprises locales ?

Il est à rappeler que la Fédération Nationale de l’Agroalimentaire « FENAGRI » est le premier réseau d’entrepreneurs agroalimentaire du Maroc et représente l’industrie agroalimentaire locale, de ce fait elle travaille sur les thématiques transverses au travers de 6 commissions permanentes réunissant des entreprises et travaillant sur les intérêts identifiés comme prioritaires pour l’amélioration de l’environnement de cette industrie, dont celui de  la  santé, de la fiscalité, de la réglementation, de la logistique, de développement durable, de la formation, de l’innovation…

Malgré le progrès réalisé, il reste encore du chemin à faire dans le chantier de développement de l’industrie agroalimentaire à même de répondre aux enjeux d’adaptation aux nouvelles tendances en termes de technologies, de changement de modes de consommation et de règlementations.

Ainsi et conscient de la place cruciale de cette industrie, la profession agroalimentaire se penche actuellement sur la finalisation de la mise en place du nouveau plan d’action qui ambitionne de renforcer le rôle joué par cette industrie dans l’amélioration de la sécurité alimentaire et la souveraineté industrielle et de renforcer son intégration de manière harmonieuse à l’économie nationale et internationale.

Par ailleurs, il est à signaler que grâce à l’appui du Ministère de l’Industrie et du Commerce, la FENAGRI pilote la relance du Centre Technique des Industries Alimentaires (CETIA)  qui vise à apporter un accompagnement technique et technologique aux entreprises agroalimentaires et principalement la TPME.  Il est prévu que le CETIA sera opérationnel courant de l’année 2025.

Comment l’industrie agroalimentaire au Maroc peut-elle améliorer son intégration, assurer la souveraineté alimentaire, et s’adapter aux évolutions internationales dans un contexte de développement modéré ?

Malgré le développement continu que connaît l’industrie agroalimentaire au Maroc, celui-ci est appelé à relever un ensemble de défis. A cet effet, et afin de répondre aux enjeux liés à la sécurité et à la souveraineté alimentaire nationale, notre industrie agroalimentaire dispose de tous les atouts de renforcement de son intégration afin d’assurer sa compétitivité et d’accroitre sa contribution dans la valeur ajoutée pour l’économie marocaine dans un contexte marqué par une intégration modérée de ce secteur. Ainsi, cette industrie est appelée à:

  • Améliorer son intégration et sa compétitivité : Le taux d’intégration moyen de notre industrie est encore modéré de l’ordre de 25% expliqué par l’importation de nombreux intrants manufacturés notamment les emballages alimentaires ainsi que la faible intégration avec l’amont agricole.
  • Assurer la souveraineté nationale : Notre industrie dépend énormément des intrants et matières premières importés d’où la nécessité d’assurer une souveraineté nationale dans l’approvisionnement de ces produits en développant de nouveaux projets d’investissement locaux
  • S’adapter aux nouvelles tendances internationales et à la règlementation telles que l’adaptation aux exigences des consommateurs et de compétitivité et aux nouvelles règlementations imposées par le marché mondial (notamment la taxe carbone sur les importations, la loi sur l’économie circulaire en France dont l’objectif est de 100% de plastique recyclé en 2025)
  • Renforcer la considération des leviers horizontaux liés à la digitalisation, le développement durable, la logistique, la formation, la recherche & développement et Innovation, etc…

Quels sont les grands axes du plan d’action agro-industriel marocain pour répondre aux défis actuels?

Suite aux résultats encourageants obtenus dans le cadre de la mise en œuvre du contrat-programme 2017-2021, qui représentait un partenariat constructif entre les secteurs public et privé, nous aspirons en tant que professionnels à renforcer ce partenariat dans le cadre du nouveau plan d’action qui est conçue pour répondre aux enjeux du changement climatique, et au renforcement de la notoriété du « Made in Maroc » au niveau du marché local et à l’export.

Ce nouveau plan d’action de développement de l’agro-industrie repose sur plusieurs axes clés, dont essentiellement :

  • Amélioration de l’intégration amont-aval : La structuration des filières de production sera renforcée, afin d’améliorer la compétitivité des opérateurs tout au long des chaînes de valeur. Une attention particulière sera portée à la recherche et à l’innovation pour intégrer des technologies avancées dans le processus industriel.
  • Valorisation des produits et des déchets : Il est essentiel de réduire les exportations de produits bruts en encourageant l’investissement dans les unités de transformation agroalimentaire. La valorisation des déchets pour créer de nouveaux produits permettra de générer plus de valeur ajoutée.
  • Montée en gamme de la production : Le développement de nouvelles unités de production à forte valeur ajoutée sera un élément central de cette stratégie. Il s’agit d’une démarche visant à améliorer la qualité des produits et à renforcer la compétitivité de l’industrie agroalimentaire locale.
  • Expansion des marchés à l’export : La diversification de l’offre de produits et de marchés à l’export sera intensifiée, en consolidant notre présence sur les marchés traditionnels tout en conquérant de nouveaux marchés internationaux.
  • Innovation et recherche-développement : L’innovation sera au cœur de la stratégie. Un soutien particulier sera apporté à la création de start-ups agro-industrielles, et la réglementation nationale sera mise à jour pour favoriser la montée en gamme des produits locaux à forte valeur ajoutée.
  • Formation et développement des compétences : La formation, tant initiale que continue, sera un pilier fondamental. Des programmes adaptés aux enjeux actuels, notamment le lien entre l’eau, l’énergie et les déchets, seront développés en partenariat avec les établissements de formation spécialisés.
  • Transition vers un modèle durable : La transition vers un modèle de développement durable sera une priorité. Les entreprises seront accompagnées pour atteindre des objectifs de décarbonation et adopter une gestion responsable des ressources naturelles.

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page
×