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Mobile et inclusion financière : le Maroc à l’heure du grand virage numérique

Les téléphones portables ne servent plus seulement à communiquer. Dans le monde entier, ils ouvrent désormais la voie à une véritable révolution financière, en donnant accès à des comptes bancaires, à l’épargne et aux paiements numériques. Le dernier rapport Global Findex 2025 de la Banque mondiale, relayé par Challenge, montre à quel point la connectivité est devenue un moteur de bancarisation. Et le Maroc, fort de sa maturité numérique mais encore marqué par un taux de non-bancarisation de 42%, se trouve aujourd’hui à un tournant décisif.

En un peu plus d’une décennie, la planète a changé de visage financier : 80% des adultes disposent désormais d’un compte, contre 50% seulement en 2011. Une évolution largement portée par la démocratisation du mobile — 86% des adultes en possèdent un, dont 68% un smartphone — et par l’essor d’Internet. Dans les pays en développement, cette révolution se traduit concrètement : 42% des adultes ont effectué un paiement numérique en 2024, et la moitié des salariés y sont rémunérés par voie bancaire.

Cette transformation ne se limite pas à la consommation. Elle touche aussi à la culture de l’épargne : 40% des adultes des économies émergentes ont mis de côté de l’argent sur un compte en 2024, un bond de 16 points en trois ans. « L’inclusion financière peut transformer une économie tout entière », souligne Ajay Banga, président du Groupe de la Banque mondiale.

Un paradoxe marocain

Le Maroc affiche des chiffres enviables en matière de connectivité : 60 millions d’abonnés à la téléphonie mobile, soit un taux de pénétration de 160%, et 41 millions d’utilisateurs d’Internet. Pourtant, la bancarisation reste à la traîne : seuls 58% des adultes disposent d’un compte, loin de la moyenne mondiale.

Ce paradoxe interroge. Le pays dispose pourtant d’un système bancaire moderne, d’un secteur de la microfinance bien structuré et d’une offre diversifiée allant des banques participatives aux établissements de paiement. Le frein semble moins institutionnel que culturel et comportemental : la préférence persistante pour le cash et la méfiance vis-à-vis du système bancaire freinent la transition.

L’exemple africain et les réponses marocaines

L’Afrique subsaharienne montre pourtant que le numérique peut renverser la tendance. La région concentre plus de 70% des transactions mondiales de mobile money, avec plus de 300 millions de comptes actifs. Ce modèle d’innovation inclusive inspire désormais le Maroc, qui cherche à faire du paiement mobile un levier majeur de bancarisation.

C’est tout le sens de la Stratégie nationale d’inclusion financière, lancée en 2019 par Bank Al-Maghrib et le gouvernement. Son ambition : rapprocher les services financiers des populations à faibles revenus et des très petites entreprises, tout en renforçant l’éducation financière.

Cette dynamique s’inscrit dans une vision plus large avec le plan Digital Morocco 2030, dévoilé en septembre 2024, qui place le paiement mobile au cœur de la transformation numérique du pays. L’État, de son côté, a commencé à digitaliser ses paiements, notamment dans le cadre de la généralisation de la protection sociale, réduisant peu à peu la dépendance à l’argent liquide.

Vers un écosystème plus ouvert

Un tournant majeur s’est produit fin 2024 lorsque le Conseil de la concurrence a mis fin au quasi-monopole du Centre monétique interbancaire (CMI), ouvrant le marché à de nouveaux acteurs à partir du 1er mai 2025. Cette libéralisation du paiement électronique ouvre la voie à une concurrence accrue et à des solutions plus accessibles pour les commerçants.

Le Maroc semble donc prêt à franchir une nouvelle étape : celle où le numérique ne sera plus seulement un outil de communication, mais un véritable vecteur d’égalité économique. L’enjeu n’est plus seulement de connecter, mais d’inclure.

Avec Challenge.

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