Masters payants : la polémique enfle dans l’enseignement supérieur marocain

La décision de plusieurs universités publiques d’instaurer des frais d’accès aux formations de master provoque une onde de choc dans le monde académique. Présentée comme une mesure de « modernisation » par certaines instances universitaires, elle est perçue par d’autres comme une remise en cause du principe de gratuité de l’enseignement public, pourtant inscrit dans la Constitution.
Selon Al Akhbar, qui rapporte l’affaire dans son édition du 14 octobre, cette décision concerne principalement les fonctionnaires et salariés souhaitant poursuivre un cursus en master. L’objectif affiché serait de mieux financer les coûts logistiques et d’améliorer la qualité de l’offre universitaire. Mais pour une grande partie de la communauté éducative, cette justification ne tient pas : elle risquerait d’ouvrir la voie à une privatisation progressive de l’université publique.
La réaction politique ne s’est pas fait attendre. La députée du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), Farida Khniti, a interpellé par écrit le ministre de l’Enseignement supérieur, Azzedine El Midaoui, pour dénoncer une mesure jugée « discriminatoire ». Elle cite en exemple l’Université Mohammed Ier, accusée d’appliquer des tarifs élevés aux professionnels, rompant ainsi avec l’égalité des chances entre citoyens. La parlementaire y voit « une logique commerciale qui trahit la mission sociale de l’université publique ».
Les syndicats et plusieurs acteurs du secteur éducatif partagent cette inquiétude. Pour eux, cette orientation marque une rupture dangereuse avec le modèle d’enseignement public hérité des décennies d’après-indépendance, fondé sur l’accès universel au savoir. Ils redoutent une « université à deux vitesses », où seuls les plus aisés pourraient poursuivre des études supérieures, accentuant les fractures sociales.
Du côté des établissements, la défense s’organise. Des sources internes citées par Al Akhbar expliquent que cette tarification n’est pas généralisée et demeure facultative, ciblant uniquement certains programmes à horaires aménagés destinés aux fonctionnaires. Le but, selon elles, serait d’assurer un meilleur encadrement pédagogique et de renforcer les moyens techniques.
Cependant, plusieurs observateurs mettent en garde contre l’absence d’un cadre juridique unifié pour réguler ces pratiques. Faute d’une législation claire, chaque université fixerait ses propres conditions et montants, au risque d’instaurer une inégalité de traitement entre établissements.
Entre impératif budgétaire et exigence d’équité sociale, le débat sur les masters payants met en lumière une question fondamentale : quelle place accorder à l’université publique dans le modèle de développement du Maroc ? Derrière cette controverse se joue bien plus qu’un enjeu financier — c’est la vision même de l’enseignement supérieur, entre service public et marché de la formation, qui est aujourd’hui en discussion.
Avec Al Akhbar
