Stress et rareté hydrique … A qui la faute?

Le Maroc fait face à une crise hydrique sévère avec des barrages asséchés et des nappes phréatiques à plus de 100 m de
profondeur. Comme causes, les officiels évoquent des années successives de sécheresse et le changement climatique. Est-ce tout?
Des barrages à sec, une nappe
phréatique qu’il faut aller chercher
à plus de 100 m de profondeur,
des lacs entièrement asséchés,
une interdiction d’accéder
aux hammams ou de procéder
au commerce de lavage de voitures
durant certains jours de la
semaine… Pas besoin de faire
un dessin, la situation hydrique
au Maroc est au limite de la catastrophe
humaine. Mais, comment
est-ce qu’on en est arrivé
là ? A qui la faute ?
En réponse à cette question, les
officiels évoquent généralement
la sécheresse. Ces dernières années,
celle-ci a été successive et
particulièrement dure : « la succession
des années déficitaires
en eau s’est répercutée négativement
sur les réserves d’eau
des retenues des barrages ainsi
que sur l’état des ressources en
eau souterraine et sur les débits
des sources », explique le
ministère de l’Eau. Avis partagé
par Fouad Amraoui, président
de l’Association de Recherche
Action pour le Développement
Durable., un expert reconnu
dans son domaine : « La succession
depuis 2019 de six années
sèches ont mis à mal nos
réserves en eau, qui ne peuvent
plus répondre à une demande
toujours croissante ». Les scientifique
et experts ajoutent généralement
à la sécheresse, le
phénomène de changement
climatique : « Nous subissons
ai niveau de cette rive sud de
la méditerranée les effets des
changements climatiques qui se
manifestent chez nous par une tendance à l’aridité, une réduction
des apports d’eau et une
augmentation des phénomènes
extrêmes (inondations, vagues
de chaleurs…) », détaille, ainsi,
Amraoui..
Mais quelle part de responsabilité
peut-on attribuer à l’Humain,
à son mauvais usage et à
sa surconsommation ? Et qui est
le plus responsable : le consommateur
lambda, les usines, les
phosphates ou les serres agricoles
? Quelle part de responsabilité
doit assumer l’Etat en la
matière, notamment à travers
ses choix sectoriels et ses politiques
productives ?
Selon le rapport de l’IRES, le
plus gros de la consommation
de l’eau ne vient pas du côté
des ménages ou de l’industrie,
mais plutôt du côté de l’agriculture
: « sur les 16,28 milliards de
m3 d’eau consommée (NDLR., à
2022), 89,26% sont destinés à
l’irrigation et 10,74% à l’approvisionnement
en eau domestique,
touristique et industrielle ». En
d’autres termes, la quasi-majorité
de nos ressources hydriques
servent à produire des denrées
agricoles, destinées généralement
à l’export.
Cela fait penser directement
à ces cultures « hydrivores »
telles que les tomates, l’avocat,
la pastèque, etc. En réponse à
la polémique que ce sujet suscite
auprès du grand public, le
ministre de l’Agriculture Mohamed
Sadiki avait affirmé lors
de la dernière édition du SIAM
: « ceux qui prétendent que le
Maroc exporte des produits
agricoles demandant beaucoup
d’eau méconnaissent la réalité
de la situation ». Et d’ajouter :
« lorsque le citoyen consomme
du pain, il doit comprendre que
les céréales nécessitent plus
d’eau que la pastèque ». D’après
le ministre, le Maroc serait excédentaire
en matière de balance
commerciale de l’eau. Il cite des
études de la Banque mondiale
montrant que le Maroc importe
9 fois plus d’eau à travers les
produits agricoles qu’il n’en exporte.
Agriculture : gros consommateur.. et gros pollueur !
L’agriculture, principal consommateur d’eau, absorbe
une grande partie de la ressource disponible, au détriment
de sa qualité. Les eaux de surface et souterraines
sont de plus en plus polluées par l’usage intensif et l’infiltration
d’engrais chimiques et de pesticides, notamment
dans les cultures destinées à l’exportation. L’Institut
National de la Recherche Agronomique souligne que
cette pollution a entraîné la disparition de 60 à 80 % des
zones humides du pays, malgré les engagements pris
par le Maroc dans le cadre de la convention RAMSAR.
La situation est d’autant plus critique que les cultures
s’étendent désormais en altitude, jusqu’à 2000 mètres
dans certaines régions, asséchant les sources des bassins
versants. Le Moyen Atlas, autrefois considéré
comme le «château d’eau» du Maroc, est aujourd’hui
victime de la surexploitation de ses écosystèmes et de
ses lacs naturels, essentiels à la recharge des aquifères.
Une gestion autrefois exemplaire du capital hydrique
montre désormais ses limites face aux défis actuels.
L’expansion des zones irriguées et de l’agriculture d’exportation,
largement subventionnée, masque des coûts
cachés élevés en termes de consommation d’eau et de
pollution hydrique. Ces pratiques, bien que soutenues
par des aides financières, représentent une menace sérieuse
pour la durabilité des ressources en eau du Maroc.
Cette enquête met en lumière l’urgence de repenser la
gestion de l’eau au Maroc. La dépendance croissante
de l’agriculture à cette ressource vitale nécessite des
stratégies durables pour protéger l’environnement
et assurer un avenir viable aux générations futures.