Made In Morocco … La machine est en marche
La dynamique de renforcement de la souveraineté industrielle enclenchée par la pandémie a continué même après et les ambitions sont prometteuses. Des obstacles demeurent néanmoins. Analyse.

Face à la crise sanitaire, les industriels marocains ont démontré leur capacité de production des équipements et produits répondant aux normes internationales. Mantrach, vice président de l’ASMEX, explique que « le Maroc a prouvé qu’il était capable de relever tous les défis et fabriquer de nombreux produits localement comme c’est le cas dans l’automobile ou encore l’aéronautique sans parler des performances enregistrées pendant la pandémie (masques, respirateurs, tests…) ».
Afin de renforcer son tissu économique, une feuille de route visant à accélérer le développement industriel et la promotion du produit local a été élaborée par le pays. Objectif : la substitution de 34 milliards de DH d’importations par la production locale. Dans ce cadre, une banque des projets industriels a été mise sur pied, permettant l’élargissement de la base des activités industrielles dans les différentes régions du Royaume, à travers le suivi des porteurs de projets et l’encouragement à investir dans toutes les zones industrielles. Résultats : «depuis son lancement par le ministère en septembre 2020, cette banque de projets s’est adaptée au contexte mondial pour donner naissance à la task-force Souveraineté Industrielle. À ce jour, la task-force a reçu 1.065 projets d’investissement, d’un montant global de 46 MMDH, qui devraient permettre de créer quelque 250.000 nouveaux emplois, d’assurer la substitution à l’import d’une valeur de 62,6MMDH et de renforcer l’export à hauteur de 70,5MMDH », explique le ministre de l’industrie et du commerce, Ryad Mezzour. Les réalisations ont donc dépassé les objectifs fixés. Aussi, le ministre a rappelé les autres mesures entreprises pour la protection de l’industrie nationale. Il cite notamment les dispositions de la loi 15.09 relative à la défense commerciale, l’augmentation de 25 à 40% des taxes douanières à l’importation sur certains produits, la révision de l’Accord de libre-échange avec la Turquie… tout en insistant sur le principe de la préférence nationale au niveau de la commande publique.
Autre avancée : «des marques fleurissent et les jeunes entrepreneurs commencent automatiquement à penser OMPIC quand ils veulent lancer de nouveaux produits, et c’est déjà une grande avancée », souligne Adil Lamnini notant qu’il y a un vrai dynamisme autour du Made in Morocco et une prise de conscience que la valeur ajoutée ne se fait pas uniquement au niveau local mais également à l’international, d’où les performances enregistrées au niveau de l’export. Concrètement, les exportations marocaines, portées par l’amélioration continue et la montée en force du « m>Made in Morocco », affichent de bonnes performance et les résultats enregistrés en 2021 dépassent leur niveau de 2019. En effet, les chiffres publiés par l’Office des Changes montrent que les exportations marocaines ont culminé à près de 327 milliards de dirhams (MMDH) en 2021, affichant une croissance de 24,3% par rapport à 2020 et de 14,9% comparativement à 2019. Le secteur des phosphates et dérivés a été la locomotive de ces exportations avec une hausse de 57,1%, tandis que l’aéronautique a renoué avec la performance, signant une progression de 21,9%. Le secteur de l’automobile, lui, a vu ses exportations augmenter de 15,9% à plus de 83,78 MMDH en 2021, grâce à la demande extérieure adressée à la construction (+35,2%). S’agissant des exportations en textile et cuir, elles se sont élevées à plus de 36,38 MMDH (+ 21,6%) alors que les exportations en agriculture et agro-alimentaire (+9,2%) ont dépassé 68,37 MMDH. Bénéficiant de la dynamique engendrée par la reprise de plusieurs activités industrielles, les exportations en électronique et électricité ont dépassé les 13,25 MMDH, avec une croissance de 28,5%.
Aussi de nombreux groupes de renom se sont engagés dans le processus comme Marjane Holding a franchit le pas en 2021 via la signature d’une convention avec le ministère de l’Industrie portant sur le développement du sourcing auprès des industriels locaux du textile et de l’agroalimentaire. « En tant qu’entreprise citoyenne, nous devons jouer notre rôle de locomotive pour l’industrie marocaine et privilégier le Made in Morocco », assure Abderrahim Janati DGA Marjane Holding en charge de l’offre commerciale. Le groupe s’est même engagé sur des objectifs chiffrés pour 2024. Pour l’agro-industrie, la part de marché du sourcing local des produits marques distributeur devrait passer de 63% en 2020 à 80% du chiffre d’affaires du groupe. Dans le textile, MH s’est engagé à atteindre 75% de sourcing local contre 25% en 2020 », détaille Janati. Résultats ? «A date d’aujourd’hui, nous avons dépassé cet objectif. Le sourcing local textile est estimé à 60% et pour l’agroalimentaire les 75% », précise le responsable qui ajoute qu’une telle démarche est source d’avantages à la fois pour les clients, les industriels marocains et le groupe Marjane tant sur le volet économique, social, industriel qu’environnemental. Le même responsable note : « privilégier le made in morocco nous permet de bénéficier de circuits courts, nos produits sont livrés directs usines, de la production vers les rayons Marjane, en s’appuyant sur notre supply chain ». Autres avantages évoqué : faire face à la hausse des coûts de fret, maitriser les délais de mise en vente des produits dans les rayons, assurer la souveraineté industrielle pour les produits de grande consommation (textile, alimentaire…etc) et aussi participer à baisser l’empreinte environnementale du groupe
En gros, le groupe ambitionne que les produits proposés dans ses rayons soient, à terme, à majorité d’origine marocaine, avec la meilleure qualité et au meilleur prix. Janati cite ici l’exemple des cartables. «Nous avons pris le pari de convertir toute l’importation Marjane en produits fabriqués au Maroc. Notre engagement vis-à-vis de l’un des fournisseurs locaux qui répondait à notre cahier de charges nous a permis de créer une unité de production. Cela fait pratiquement un an que nos équipes accompagnent notre partenaire et nous sommes heureux d’annoncer que cette année, dans nos rayons et sur le marché marocain les consommateurs trouveront des produits cartables initiés par le Groupe Marjane répondant aux normes de qualité attendues et au bon prix », annonce le responsable.
Obstacles et recommandations
La dynamique est donc enclenchée. Mais, pour la pérenniser, il est nécessaire de mettre en place un certain nombre d’actions pour soutenir le Made in Morocco.
Mantrach souligne ainsi, qu’il est nécessaire de réviser la liste des produits importés pour définir ceux susceptibles d’être fabriqués localement. Parallèlement, il recommande d’encourager la consommation des produits marocains par les consommateurs marocains et voire dans quelle mesure cette fabrication locale peut être aussi orientée vers des marchés étrangers dans le cadre de l’export. De son côté, Lamnini préconise de faire du Made in Morocco une source d’innovation durable et saisir les opportunités des révolutions digitales (e-commerce, blockchain, industrie 4.0, etc.). Il prône la mise en place d’un code-barres généralisé à l’instar des pays à l’international et la création d’une agence Made in Morocco qui permettra non seulement d’avoir une vision sur les trente prochaines années mais aussi d’optimiser les budgets.
De son côté, Mohamed Jadri propose l’intégration du secteur informel dans ce processus et la réforme globale du régime fiscal pour encourager la production. Il appelle aussi au renforcement du savoir-faire national à travers la promotion de l’investissement étranger qui permet un transfert de compétences et le renforcement de la compétitivité des entreprises marocaines à travers la mise en œuvre d’une politique de formation professionnelle adéquate avec les besoins du tissu économique.