Vente de pesticides: la majorité échappe au contrôle!
Contrebande, utilisation de pesticides périmés, contrefaçon, vente illicite… c’est l’anarchie totale au niveau de la commercialisation des pesticides dont certains sont classés dangereux.

Qui vend des pesticides au Maroc? Une question qui mérite d’être posée. Normalement, l’exercice des activités de fabrication, d’importation ou de distribution des produits pesticides à usage agricole est subordonnée à l’obtention d’un agrément délivrée par l’ONSSA. Or, la réalité sur le terrain est autre chose. «On peut trouver des pesticides classés dangereux au niveau des drogueries, des souks hebdomadaires, chez les ferrachas…tout le
monde peut vendre des pesticides au Maroc, alors que c’est un produit chimique, un médicament qui traite les plantes à l’instar des médicaments pour
les humains et ceux des animaux…bref c’est un vrai bazar », lance d’emblée le président de la FMDC, Bouazza Kherrati.
Naima Rhalem, chef de département de toxicovigilance au sein du centre Antipoison et de Pharmacovigilance relevant du ministère de la santé tire de son côté la sonnette d’alarme : «il y a de véritables lacunes sur le volet commercialisation des produits très dangereux que la population et les agriculteurs utilisent souvent sans précautions, ignorant les risques qu’ils peuvent engendrer.
VENTE ILLICITE ET CONTREBANDE
Sur la base de l’analyse des données recueillies, le Centre Anti Poison du Maroc (CAPM) révèle dans sa revue « toxicologie Maroc » publiée fin 2018, l’existence d’une vente illicite de produits très dangereux sur le marché marocain. Le constat est confirmé par le chercheur Abdelhadi Chafi. Selon
lui, la région orientale par exemple est inondée de pesticides impropres et non conformes aux normes de qualité et qui sont interdits au niveau national provenant de la contrebande. « Ceci montre que les circuits officiels de la distribution des pesticides ne sont pas bien maîtrisés, d’où la prolifération du secteur informel dans ce domaine sans parler de produits périmés qui sont quand même utilisés », appuie t-il.
Dans son rapport publié en mai 2020 sur les pesticides hautement dangereux (HHPs) au Maroc, l’association marocaine santé, environnement et toxicovigilance souligne que les distributeurs grossistes et revendeurs détaillants sont concentrés dans certaines zones, notamment les zones irriguées
ou les zones favorables à l’agriculture. Les zones semi-arides ou montagneuses sont peu servies par les distributeurs grossistes et revendeurs, ce qui peut favoriser la disponibilité de produits de contrefaçon.
En effet, « la contrebande et la contrefaçon sont estimées entre 10% et 15% du marché ce qui représente un danger pour l’économie nationale, pour la santé des utilisateurs et pour l’environnement », note le rapport qui ajoute que l’ONSSA, qui assure l’homologation des pesticides ainsi que le contrôle sur le terrain de la distribution et la vente de ces produits, souffre d’une insuffisance de personnel.
Et donc, la majorité des distributeurs grossistes ne sont pas agréés par l’ONSSA et la majorité des revendeurs ne répondent pas aux critères imposés par la loi en vigueur.
UNE NOUVELLE LOI DANS LE PIPE
Pour faire face aux abus, verrouiller l’utilisation, l’importation et la commercialisation des pesticides de manière générale et renforcer la sécurité alimentaire, l’Etat a décidé d‘agir. Ainsi, en janvier 2020, le Conseil de gouvernement a adopté le projet de loi 35-19 relatif aux pesticides agricoles. A son entrée en vigueur, cette nouvelle loi va abroger et remplacer la loi 42-95, relative au contrôle et à l’organisation du commerce des produits pesticides à usage agricole, actuellement en vigueur.
Dans le détail, ce projet de loi est constitué de 84 articles répartis en 5 titres et 10 chapitres. Il a pour objectifs: d’abord le renforcement des capacités des autorités compétentes pour l’évaluation des risques et le contrôle des produits phytopharmaceutiques dans la perspective de réduire l’utilisation des plus dangereux d’entre eux, d’encourager l’usage des produits à faible risque et de promouvoir les moyens de lutte alternatifs, autre que les produis chimiques.
Ensuite, le projet vise l’organisation et le contrôle du commerce de ces produits afin de réduire les dangers liés à leur détention, leur distribution, leur vente et leur utilisation, en veillant à ce que seuls les produits phytopharmaceutiques bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché soient commercialisés et que les activités liées à ce commerce soient assurées exclusivement par des personnes qualifiées titulaires d’un agrément délivré à cet effet. Un recensement exhaustif de tous les revendeurs des pesticides au niveau national a été réalisé et une liste des revendeurs répondant aux exigences liées à la qualification du personnel et au local de stockage ou de vente est aujourd’hui accessible
sur le site de l’ONSSA.