Pesticides toxiques: un Hiroshima silencieux mondial !
L’emploi des pesticides massif et anarchique est à l’origine d’intoxications aigues et chroniques, voire de décès. certains produits sont même utilisés comme moyen de suicide. une réglementation stricte s’impose.

Selon les estimations de l’OMS, les pesticides sont à l’origine de 1 à 5 millions de cas d’intoxications chaque année, causant plus de 200.000 décès, notamment chez les enfants. « 99% du total des intoxications surviennent dans les pays en voie de développement, où les réglementations dans le domaine de la santé, de la sécurité et de l’environnement sont plus souples et appliquées de façon moins rigoureuse », note l’OMS.
EFFETS DÉSASTREUX
Plusieurs études de recherches internationales montrent en effet de fortes corrélations entre l’utilisation de pesticides dans le cadre d’une activité professionnelle agricole et l’apparition de dermatoses, d’allergies et de certains cancers, notamment hématopoïétiques du cerveau, des reins ou de la prostate.
D’après Naima Rhalem (centre antipoison), au niveau des champs, lors de l’usage des pesticides, le port des équipements de protection individuelle est
très faible.
Bon nombre d’ouvriers ne portent aucun moyen de protection et déclarent qu’ils sont habitués aux produits, ou ne sont pas conscients des risques liés à ces produits. L’étude des caractéristiques cliniques des intoxications par pesticides du Centre Anti-poison et de Pharmacovigilance (CAPM) a montré que 65,5% des cas étaient symptomatiques.
Les affections du système gastro-intestinal étaient les plus rencontrées (46,4%), suivies des affections de l’appareil respiratoire (23,6 %), des
affections de la peau et de ses annexes (12,2 %) et des troubles de l’appareil visuel (8,7%). Le décès est survenu dans 4,5% des cas et 0,4% ont évolué vers la guérison avec séquelles. Par rapport aux pesticides classés comme hautement dangereux, une étude rétrospective se rapportant aux effets des pesticides sur les travailleurs en milieu agricole et sur leurs effets sur l’environnement, menée par l’ONSSA et la FAO, a montré que les principaux
symptômes présentés par les travailleurs agricoles exposés sont les affections dermatologiques, respiratoires et oculaires. L’étude a relevé aussi des
impacts sur les champs cultivés, au niveau des eaux souterraines particulièrement, des puits se trouvant dans les exploitations et au niveau du littoral et des plages avoisinantes.
Cependant, la nature de ces impacts n’a pas été précisée par les experts.
UN POISON EN LIBRE CIRCULATION
Un pesticide en particulier a été incriminé par les experts au Maroc : le phosphure d’aluminium, utilisé depuis longtemps pour le stockage des grains, et récemment pour celui des dattes.
«L’intoxication par ce produit est d’une très grande gravité car elle est grevée d’une lourde mortalité qui peut aller de 40% à 91% dans les premières 24 heures. Pourtant, il est largement disponible dans les marchés alors qu’il devrait être détenu par des personnes agréées », alerte Rhalem qui reste catégorique : il faut bannir ce produit sinon réglementer sa commercialisation, distribution et sa vente au public par l’intermédiaire d’un corps délivreur habilité. Si l’experte insiste en particulier sur ce produit, c’est parce qu’il serait responsable de 53,6 % des décès par pesticide, d’après les résultats de l’étude du CAPM.
Pis encore, «les tentatives de suicides liées à l’intoxication au phosphure d’aluminium posent un grand problème de santé publique », prévient Rhalem qui ajoute que « malgré les progrès réalisés en toxicodynamie, les connaissances en toxicocinétique de ce produit restent, jusqu’à présent, très limitées et aucun antidote spécifique n’est disponible ».
D’après les données du CAPM, l’intoxication par les pesticides est considérée comme la 4ème cause d’intoxication hormis les intoxications liées aux scorpions. Dans sa revue trimestrielle publiée en fin d’année 2018, le centre note que les déclarations des intoxications ont augmenté au fil des années, avec un pic en 2014.
« Les campagnes de sensibilisation ont accompagné cette évolution et la collecte active des cas d’intoxications a contribué à cette augmentation », explique Naima Rhalem, chef de département de toxicovigilance au sein du même centre relevant du ministère de la santé. En chiffres, d’après une étude menée entre 2008 et 2016, le CAPM affirme que 11.196 cas d’intoxications aigues par pesticides ont été enregistrés, soit 10,7% de l’ensemble des cas
collectés pendant la même période (toutes causes confondues) et une incidence annuelle moyenne de 3,57 cas pour 100.000 habitants.
Autre constats phares : la plupart des intoxications se sont produites pendant la saison du printemps (30,1% des cas) et les déclarations provenaient de toutes les régions du Maroc.
La plus forte incidence a été relevée par ailleurs dans la région de Tadla-Azilal (9,55 pour 100.000 habitants) suivie de la région de Rabat- Salé-Zemmour-Zaër (9,19 pour 100.000 habitants) et Meknès-Tafilalt (5,25 pour 100 000 habitants).